Critique : Trois mille ans à t’attendre

 Alithea Binnie, bien que satisfaite par sa vie, porte un regard sceptique sur le monde. Un jour, elle rencontre un génie qui lui propose d’exaucer trois vœux en échange de sa liberté. Mais Alithea est bien trop érudite pour ignorer que, dans les contes, les histoires de vœux se terminent mal. Il plaide alors sa cause en lui racontant son passé extraordinaire. Séduite par ses récits, elle finit par formuler un vœu des plus surprenants.

Trois mille ans à t’attendre
Australie, 2022
De George Miller

Durée : 1h48

Sortie : 24/08/2022

Note :

GÉNIE CIVIL

Le titre Trois mille ans à t’attendre peut se lire, avec une ironie presque trop facile, comme un clin d’œil au temps qu’il aura fallu à George Miller pour réaliser un nouveau film : Mad Max Fury Road remonte en effet à sept ans déjà. La filmographie de Miller a toujours témoigné de son appétit éclectique pour faire rugir les moteurs des registres cinématographiques les plus populaires, et ce nouveau long métrage n’attend pas une seconde avant d’annoncer avec enthousiasme la (nouvelle) couleur : celle du conte de fée romantique. « Il était une fois » est en effet la toute première phrase prononcée dans le film, telle une généreuse promesse nous mettant l’eau à la bouche.

Avec sa coupe de cheveux ringarde, ses lunettes strictes et sa solitude choyée, Alithéa (Tilda Swinton) n’a pas l’air d’avoir la tête au coup de foudre, même si son esprit est entièrement accaparé par les contes. Elle est narratologue, c’est à dire une spécialiste de l’analyse des récits, qui sont pour elle « l’unique moyen de trouver une cohérence à nos existences ». Ses analyses sont d’ailleurs l’occasion pour Miller de déclarer à travers elle son amour contagieux pour le romanesque et l’aventure, bien vu. Alithéa aime les histoires, mais elle aime qu’elles aient du sens et une logique. Autant dire qu’elle a un train d’avance sur tous les baratins que pourrait venir lui conter n’importe quel beau parleur, fut-il venu d’un autre monde. C’est pourtant en plein archétype qu’elle va se retrouver quand, en ramenant à son hôtel une lampe trouvée par hasard dans un bazar d’Istanbul, elle en libère un génie (Idris Elba) qui lui propose d’exaucer trois vœux. Or, ce qu’elle souhaite, c’est qu’on lui raconte des histoires.

Trois mille ans à t’attendre ouvre alors grand son livre de contes, enchainant les légendes et les récits mythologiques. Ceux-ci sont supposés êtres issus d’époques et cultures différentes et pourtant ils sont tous baignés dans un imaginaire orientaliste un peu ringard et pour tout dire pas toujours de très bon goût, ce qui n’est pas forcément un défaut car au cela apporte au moins un peu de sale piment là où le tout-numérique des décors et des effets visuels est trop lisse et artificiel pour vraiment dépayser. Ni aussi jolie ni aussi subtile qu’elle pourrait l’être, cette mosaïque n’y va pas de main morte sur un exotisme fétichisé, évoquant les délires déjà vingtenaires de Tarsem Singh.

Est-ce pour ne pas qu’on oublie les deux acteurs principaux tandis que s’enchainent les aventures ? Miller opère deux choix narratifs peu habiles. D’une part, chaque récit qui s’anime devant nos yeux est accompagné de la voix du génie et des commentaires d’Alithéa (soit dit au passage, ce rôle passif d’écouteuse est hélas l’un des moins intéressants de la carrière de Swinton). Tout ce blabla redondant vient alourdir le film et transforme ses ambitieuses images en simples illustrations. D’autre part, la caméra revient aussi régulièrement sur leur face-à-face à Istanbul. Trois mille ans à t’attendre (à attendre enfin une respiration dans ce film bavard ?) raconte une histoire d’amour si folle qu’elle défie les siècles comme les continents, et pourtant il est impossible d’oublier qu’il s’agit surtout d’un film sur deux personnes qui parlent dans une chambre d’hôtel. Au final, c’est comme si la beauté et la magie du film ne parvenaient à sortir qu’à moitié de leur lampe enchantée.

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par Gregory Coutaut

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