Critique : Trixie Mattel – Moving Parts

Trixie Mattel : Moving Parts fait le portrait intime de Trixie et du garçon sous la perruque géante, Brian Firkus, garçon gay élevé dans l’homophobie et dont les modèles sont Dolly Parton et June Carter.

Trixie Mattel : Moving Parts
Etats-Unis, 2019
De Nicholas Zeig-Owens

Durée : 1h31

Sortie : –

Note :

BACKWOODS BARBIE

Dévoilé il y a quelques mois au Festival de Tribeca, Trixie Mattel : Moving Parts s’attache à une figure assez unique en son genre. Trixie Mattel est une drag queen mondialement connue, qui a été propulsée par l’émission RuPaul’s Drag Race, un concours qui met aux prises (et en scène) des drag queens aux États-Unis. Mais même dans ce show, Trixie était une queen un peu à part, comme une figure de contre-culture dans une discipline qui elle-même appartient à la contre-culture. Trixie Mattel est une comedy queen, mais c’est aussi comme l’illustre le documentaire une musicienne. Son dernier disque est un succès, mais contrairement à beaucoup de ses camarades qui enregistrent des albums de dance, Trixie… fait de la country.

« Je suis la meilleure queen chanteuse de folk, car je suis la seule » commente t-elle dans un éclat de rires. Avant de se reprendre, puisque Dolly Parton, idole évidente de Mattel, fait aussi, elle-même, du drag. Le look de la reine de la country, parfois aussi discuté que ses chansons, est depuis toujours un commentaire sur la féminité de la même manière que peuvent le faire des drag queens aujourd’hui. Nicholas Zeig-Owens met assez finement en valeur ce qui distingue Trixie Mattel des autres nombreuses drags devenues stars ces dernières années : elle a créé un personnage qui ne ressemble à aucune autre. Et qui transcende doublement ce qu’on considère comme masculin ou féminin (comme toutes les drags), et ce qu’on considère comme queer ou non (ici, en se réappropriant un genre musical qui, via Dolly, n’est « que » crypto-queer). Dans les douces mains de Trixie, l’autoharpe devient la chose la plus gay du monde.

En allant plus loin que le simple bonus dvd pour fans, Trixie Mattel : Moving Parts réussit aussi le portrait sensible d’un garçonnet qui s’éveille envers et contre tout à sa propre identité. Enfilant gamin les chaussures de sa grand-mère pour prendre des postures sexy. Étant un introverti déguisé en extraverti. Zeig-Owens regarde ce qui se cache sous les tonnes de maquillage et les 10 kilos de perruque :  cette façon qu’a Trixie d’être « very serious about being funny », sur le doute permanent qui sur scène se transforme en confiance délirante, et sur ce qu’elle révèle de son public.

« I’m just a backwoods Barbie, too much makeup, too much hair » (« Je ne suis qu’une Barbie d’un bled paumé, avec trop de maquillage, trop de cheveux ») chantait Dolly Parton dans sa chanson Backwoods Barbie, enchainant : « Don’t let these false eyelashes lead you to believe that I’m as shallow as I look cause I run true and deep » (« Ne laissez pas ces faux cils vous faire croire que je suis aussi superficielle que j’en ai l’air, car je suis vraie et profonde »). Ce pourrait être la bio Twitter de Trixie derrière son masque et son nez de clown, et le documentaire parvient à saisir avec pertinence ce qui relie le garçon à la poupée. Pourquoi Malibu Barbie jouerait-elle de la country ? Fièrement queer, le doc ne cherche pas de formule toute faite pour expliquer ce qui, en termes d’identité hors des codes, est jugé authentique ou non : comme on l’entend de manière assez galvanisante dans le film, « plus vous fabriquez votre vie, et plus vous serez heureux ».

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par Nicolas Bardot

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