La Roche-sur-Yon | Critique : This Train I Ride

Ivy, Karen et Christina ont un jour tout quitté pour mener une vie de hobos (vagabonds) et parcourir clandestinement l’Amérique à bord de trains de marchandise. Devenu leur compagnon de route, le réalisateur filme leur quête de liberté et de rébellion.

This Train I Ride
Finlande, 2019
De Arno Bitschy

Durée : 1h17

Sortie : –

Note :

DES RAILS

This Train I Ride suit trois femmes dans leurs voyages en solitaire à travers les États-Unis. D’âges et de parcours différents, leur point commun est que leurs déplacements se font clandestinement, à bord de ces immenses trains de marchandises qui peuvent rouler pendant des jours et des jours dans des paysages déserts. Ces femmes n’ont pas à fuir la justice ou à se cacher. Ce à quoi elles veulent échapper, c’est au poids du regard étriqué de la société. Être seule, c’est enfin être libre et être soi-même, se retrouver en s’appropriant un territoire qu’elles n’auraient souvent pas les moyens de découvrir autrement. Le réalisateur Arno Bitschy saute lui-même littéralement à bord des trains, et nous avec. Sans infos, sans contexte ou présentation préalable, sa caméra suit avec respect ces femmes rebelles avides de liberté et d’anonymat.

This Train I Ride est un voyage dans les marges des États-Unis, mais même lorsqu’il est joliment mis en musique par Warren Ellis, collaborateur de Nick Cave, le film évite le piège de la carte postale béate et du cliché. « C’est une aventure, mais ça n’a rien de romantique » prévient l’une des protagoniste tandis qu’elle expose les règles de son quotidien. Les conditions sont dures, risquées, et la compagnie des hommes est souvent évitée à tout prix. Derrière la solitude recherchée, on découvre pourtant en filigrane une véritable culture du nomadisme, presque une communauté de vagabonds, dont les membres se remémorent avec émotion celles et ceux qui ont perdu la vie sur la route, ou qui ont tout simplement fini par disparaître pour de bon dans les interstices de cette Amérique parallèle. Où sont-ils allés se perdre?

Autant qu’un voyage géographique, This Train I Ride est un émouvant voyage dans le temps, où l’on tombe sur des graffitis laissés dans des no man’s lands il y a plus de 70 ans. Qui d’autre a eu l’occasion de voir ces traces de présence humaine ? Et quand on passe sa vie en mouvement, qu’arrive t-il lorsque l’on souhaite revenir à la case départ ? Lorsque l’une des protagonistes décide de revenir dans le quartier de San Francisco où elle débuté sa vie de hobo il y a plusieurs décennies, elle ne reconnaît plus rien et son foyer pour militantes lesbiennes radicales a été racheté par un jeune millionnaire de l’informatique – un tout autre monde a pris place en son absence. C’est l’une des scènes les plus poignantes de ce joli petit documentaire qui ferait un chouette compagnon de route au Nomadland de Chloe Zhao.

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par Gregory Coutaut

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