Festival Chéries-Chéris | Critique : The Writer

Deux hommes queer sexagénaires qui se sont rencontrés pendant leur service militaire dans l’armée soviétique dans les années 1980, se retrouvent 30 ans plus tard.

The Writer
Lituanie, 2023
De Romas Zabarauskas

Durée : 1h26

Sortie : –

Note :

COMME ON SE RETROUVE

Les rues de New York, un air de jazz langoureux, un rayon de soleil qui illumine un salon rempli de livres et d’œuvres d’art : les premières images de The Writer semblent assembler le décor d’une comédie romantique sophistiquée et charmante, mais gare aux fausses pistes. D’une sobriété égale à celle de son titre, ce long métrage lituanien tourné en langue anglaise est en réalité un huis-clos sans comédie où il est surtout question d’engagement politique, d’exil et de l’ex-Union Soviétique. De l’aveu du cinéaste Romas Zabarauskas, cette introduction est en réalité un clin d’œil à sa source d’inspiration principale : My Dinner With André de Louis Malle.

Dans ce long métrage de 1981, le cinéaste imaginait la discussion de deux anciens amis sur le théâtre contemporain. Le dialogue unissant les deux uniques personnages de The Writer n’a pas le même sujet, mais le film de Zabarauskas est également un huis-clos nocturne basé exclusivement sur un échange verbal ininterrompu. Auteur à succès ayant fui sa Lituanie natale, Kostas accueille dans son appartement Dima, qu’il n’a pas revu depuis trente ans. Le scénario prend son temps pour éclaircir la relation exacte entre ces deux personnages avides d’affronter leurs expériences d’oppression sous le régime soviétique. On finit par comprendre que Kostas l’intello et Dima le pragmatique étaient en réalité amants lors de leur service militaire, et que c’est la fuite à l’étranger de Kostas qui a mis un terme à leur histoire.

L’opposition des points de vue politiques de ces deux personnages menace parfois de virer au ping-pong mécanique mais les acteurs se tirent plutôt élégamment de cette montagne de dialogues. The Writer n’a pas peur d’avoir l’air bavard et prolixe et il manque sans doute à l’ensemble quelques pauses ou surprises pour mieux respirer. Le film a néanmoins un double mérite. D’abord celui de dépeindre des personnages gays du 3e âge sans maladresse ou condescendance, puis de proposer un cinéma queer qui aborde sans superficialité la question de l’héritage politique. La question posée par le film reste entièrement contemporaine : quand on est doublement opprimé (en tant que citoyen et personne queer) par un régime autoritaire, le salut se trouve-t-il dans l’exil ou l’adaptation ?

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par Gregory Coutaut

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