Festival de San Sebastian | Critique : The Substance

Avez-vous déjà rêvé d’une meilleure version de vous-même ? Vous devriez essayer ce nouveau produit: The Substance. Avec The Substance, vous pouvez générer une autre version de vous-même, plus jeune, plus belle, plus parfaite…

The Substance
France/Etats-Unis, 2024
De Coralie Fargeat

Durée : 2h20

Sortie : prochainement

Note :

MOI EN MIEUX

Une star hollywoodienne sur le déclin se voit proposer une mystérieuse substance avec la vague promesse que celle-ci lui permettra de donner lieu à une meilleure version d’elle même « plus jeune, plus belle, plus parfaite ». Ce pacte faustien évoque bien des choses, à commencer peut-être par les légendes urbaines cruelles et fascinantes de La Quatrième dimension. En effet, The Substance a à peine débuté (et le film démarre vite, et fort) que l’on se lèche déjà les babines d’effroi de savoir quelles horreurs punitives se cachent derrière cette promesse trop belle pour être vraie. Mais l’horreur selon Coralie Fargeat n’est pas l’horreur selon Richard Matheson (scénariste de la série). A l’ambiguïté, la cinéaste francaise préfere l’uppercut. A la psychologie, elle préfère la physicalité immédiate. Résultat : peu de films peuvent se vanter de porter aussi bien l’appellation de Body Horror, dans tous les sens du termes.

Avertissement aux yeux délicats : The Substance n’a pas peur du gore. Celui-ci n’est pas utilisé là dans le but d’éprouver le spectateur à coups de tortures aussi débiles qu’indélébiles. Fargeat possède en effet une sacrée qualité en tant que scénariste et metteur en scène : le sens du grotesque. Le grotesque n’est pas la même chose que le ridicule, c’est une exagération monstrueuse qui génère un ravissant malaise, un rire craintif mélangé à de la sueur froide. Fargeat traite l’horreur et la comédie avec le même sens du grotesque. Les sourires des it girls en bikini sont ici si factices et crispés qu’ils évoquent l’inquiétante étrangeté de certaines photos de Cindy Sherman. Tout est beau, jeune et parfait dans ce paradis hollywoodien aux couleurs pétaradantes. Tout est si facticement beau que cela en devient inquiétant. Derrière la légèreté assumée de cette vignette 90’s (on a parfois la délicieuse impression de regarder les Jeudis de l’angoisse en cachette) , il y a quelque chose de très féroce qui gronde.

On retrouve dans The Substance beaucoup d’éléments qui constituaient déjà Revenge, le premier film de Fargeat. Un double appétit pour glorifier la beauté du corps féminin et la bêtise crasse des comportements masculins, tous deux passés au mixeur d’une forme mélangeant esthétique pop fluo et douleur physique plus intense qu’ailleurs. Fargeat n’a pas toujours la main leste, surtout au moment de doser les effets sonores et les respirations comiques (certains seconds rôles étant déjà grimaçants, l’utilisation du fish eye pour les ridiculiser est une lourdeur plutôt superflue), mais elle sait aussi faire preuve de trouvailles malines (telle la prépondérance anachronique des cours d’aérobic). Surtout, elle n’a pas peur d’appuyer sur le champignon. The Substance a beau durer 2h20, il n’y a pas une minute de tiédeur ou d’ennui à signaler a l’arrivée. Ça décoiffe, ce n’est pas rien de le dire.

Telle l’héroïne Elizabeth Sparkles (Demi Moore, très investie et idéalement castée de par l’imaginaire cinéphile spécifique qu’elle charrie), à notre tour d’être contaminé, et ce par l’enthousiasme de Fargeat. The Substance aurait également pu s’appeler Revenge car c’est un règlement de compte brutal (avec les injonctions à la beauté, à la perfection et au sourire) porté par un plaisir furieux. Fargeat construit ici un excellent film d’horreur féministe rempli de clins d’œil complices aux classique du genre, et offre une catharsis galvanisante à souhait pour toutes celles et ceux qui, comme elle et comme Elizabeth, rêvent d’une pluie de sang purificatrice sur la machine patriarcale à modeler puis jeter les corps des femmes à la poubelle. Cette fable hyperbolique, Fargeat la raconte du côté des femmes et des monstresses en tout genre. On en sort autant horrifié qu’euphorique. Quelle experience !

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par Gregory Coutaut

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