Festival de Locarno | Critique : The Story of Southern Islet

Cheong tombe malade après une dispute avec son voisin. Sa femme Yan est désespérément à la recherche d’un remède pour le guérir. Tout au long du voyage, Yan fait d’étranges rencontres et est témoin d’expériences surnaturelles. Elle est peu à peu convaincue qu’elle devrait demander l’aide du chaman du village…

The Story of Southern Islet
Malaisie, 2020
De Chong Keat Aun

Durée : 1h45

Sortie : –

Note :

AU CŒUR DU RÉEL

The Story of Southern Islet raconte l’histoire d’une famille qui, bien qu’elle semble vivre dans un petit paradis, essaie de joindre les deux bouts. Cela pourrait être le point de départ d’un Hirokazu Kore-Eda ou d’un ancien Hou Hsiao-Hsien, à une différence près : papa, ici, est possédé. The Story of Southern Islet serait la rencontre d’un cinéma d’auteur radical d’Asie du sud-est avec le pur cinéma de genre ? La distinction n’a pas vraiment de sens tant les codes du fantastique sont indistinctement mêlés au réel – le surnaturel appartient bel et bien, tout à fait naturellement, à la vie. Le Malaisien Chong Keat Aun a une manière intelligente, subtile et en même temps frontale, d’intégrer le fantastique au quotidien. Et c’est précisément le point de vue du film : prendre le fantastique au sérieux, avec une mise en scène et une écriture sans clichés, c’est une manière de prendre les croyances ancestrales au sérieux.

The Story of Southern Islet débute par un théâtre d’ombres, installant le film dans une atmosphère de conte où la légende est mise en scène. Ce sont pourtant les propres souvenirs du cinéaste qui ont inspiré le long métrage, qui se déroule dans les années 80. Chong Keat Aun abolit là encore la frontière entre la fiction et le réel, le rêve et le quotidien. Il règne parfois une étrange inertie dans le film – les plans sont suffisamment longs pour inviter l’étrangeté. On épie un surgissement bizarre comme on regarde par un trou de serrure, avec un mélange d’appréhension et d »excitation. Ce déroulé énigmatique séduisant fonctionne grâce à ses contrastes, et les nuits ici semblent plus bizarres qu’ailleurs. La photographie est superbe, mettant d’abord en valeur les paysages attendus (des rizières gorgées de soleil) avant d’être de plus en plus curieuse et fascinante – comme dans cette scène de grotte aux reflets verts et violets.

Dans son premier long métrage multi-primé, Chong Keat Aun laisse autant de place à ce qui n’est pas rationnel qu’au réel. Cela lui a valu une censure de la part des autorités musulmanes en Malaisie : ce récit-là n’est pas le récit officiel. Cela illustre peut-être, en creux, ce que raconte The Story of Southern Islet : cette culture enfouie qui malgré tout survit à une culture dominante, et qui revient parmi nous comme un spectre. C’est en cela que le film rejoint une folk horror telle qu’on peut la rencontrer en Asie, des nombreux exemples japonais au récent The Strangers de Na Hong Jin. Voilà une sacrée curiosité et une réalisateur à surveiller.

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par Nicolas Bardot

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