Festival Visions du Réel | Critique : The Rossellinis

Narré à la première personne par Alessandro Rossellini, petit-fils du célèbre réalisateur italien Roberto Rossellini, le film plonge dans le passé pour poser des questions intimes et profondes, et pour réfléchir sur la place que chaque membre a occupée au sein de la famille.

The Rossellinis
Italie, 2020
De Alessandro Rossellini

Durée : 1h30

Sortie : –

Note :

CE SACRÉ GRAND-PÈRE

Celles et ceux qui ont déjà eu l’occasion de lire l’autobiographie d’Ingrid Bergman le savent : sous les dehors charismatiques du génie/héros de la culture italienne, Roberto Rossellini était un démiurge macho, homophobe et égocentrique qui ne tolérait pas que ses nombreuses femmes ou enfants puissent venir le polluer avec leurs états d’âme. L’œuvre du cinéaste est restée, elle est même encore sacrée pour l’une de ses filles (qui s’insurge qu’on puisse ne serait-ce que la prendre à la légère). Mais de l’homme il ne reste plus rien, pas même des cendres : son urne funéraire est vide et pourtant elle pèse encore lourd dans les mains de ses descendants, tout un symbole.

La scène en question est tournée à l’intérieur même du caveau des Rossellini, ce qui laisse imaginer pour la suite une immersion au plus profond d’un règlement de comptes familial. Pareil pour la scène d’ouverture : images d’archives de l’enterrement du maestro sur lesquelles une voix off vient nous révéler les secrets bouillonnants derrière chaque visage contrit. De fait, il y en aurait des comptes à régler. Le cinéaste Alessandro Rossellini, lui-même petit fils de Roberto, avance carrément la piste récurrente d’une maladie héréditaire, la Rossellinite.

La famille Rossellini a cela de particulier qu’elle est non seulement liée par de nombreux points au cinéma, mais elle s’est elle-même mise en scène à plusieurs reprises. Outre ce film-ci, il y a eu les trois volets de Kill Gil, journal intime signé Gil Rossellini, ou encore Mon père a 100 ans, court métrage écrit par Isabella Rossellini (et mis en scène par Guy Maddin), dans lequel elle fantasme son père en généreuse truie géante. Quelle malédiction ou charme plane donc sur cette famille qui ne se croise jamais dans la vie mais veut absolument se mettre en images, se faire ses films au sens propre et figuré ? Charmante balade aux quatre coins du monde, The Rossellinis n’a hélas pas vraiment de réponse à apporter à cette passionnante question.

Dans l’ultime scène du film, les Rossellini finissent par tous se retrouver pour la première fois en 45 ans. Miracle du cinéma ? Non car la raison en est en fait une campagne de pub italienne. A plusieurs reprises, le réalisateur affirme ses regrets d’avoir posé des questions trop pressantes ou intimes à ses proches. C’est sans doute là que se trouve la limite de l’exercice : The Rossellinis n’est finalement ni un règlement de compte ni un exposé. C’est un portrait plaisant, souvent amusant, mais qui craint de planter pour de bon ses dents dans son sujet. Une fois le générique passé, cette famille d’artistes, aux talents et à la beauté pourtant insensés, se révèle finalement être une famille comme une autre. Un comble.

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par Gregory Coutaut

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