Critique : The Real Estate

Nojet, 68 ans, hérite de l’appartement de son père. Ce qu’elle croit être une aubaine ressemble en fait à une malédiction…

The Real Estate
Suède, 2018
De Måns Månsson, Axel Petersén

Durée : 1h28

Sortie : –

Note : 

MA MAISON EST LA PLUS ORIGINALE

Axel Petersen faisait partie de notre dossier Quoi de neuf en Suède aujourd’hui ?, à l’occasion de son premier film Avalon. La photographie d’Avalon était signée par Mans Mansson, ici co-réalisateur de The Real Estate. Ce nouveau film, invité en compétition à la Berlinale, confirme les premiers espoirs : quitte à faire sortir une partie de la salle comme ce fut le cas au festival, The Real Estate ne ressemble à rien de connu et voilà ce qu’on attend d’oeuvres de jeunes cinéastes. Le film débute pourtant par une discussion banale à pleurer, dans un contexte parfaitement trivial : une discussion de coiffeur et des plaintes sur l’enfer immobilier à Stockholm.

Enfer n’est pas un terme employé en l’air au sujet de The Real Estate. Nous avions laissé, sans spoiler, les héros de Avalon lors de la dernière scène du film dans une étrange atmosphère onirique, qui avait la texture du rêve. The Real Estate est son jumeau inversé. Les deux films parlent du réel qui prend des dimensions épiques, de nouvelles opportunités qui s’offrent à des personnages âgés, ceux qui habituellement au cinéma n’attendent plus grand chose de la vie. Ces opportunités (comme celle de l’héroïne de The Real Estate, qui hérite d’un immeuble) sont en fait empoisonnées. Mais cette fois-ci, Petersen et Mansson empruntent au cauchemar pour investir le sujet.

L’histoire de The Real Estate pourrait donner lieu à un drame social mais, à l’image de son héroïne (incarnée par Léonore Ekstrand, force de la nature incroyablement cinégénique qui semble être l’enfant d’une partie à trois entre Lily Tomlin, Donald Sutherland et Droopy), le film ne fait rien comme tout le monde. La situation décrite par The Real Estate est un cauchemar pour Nojet, habituée depuis toujours à vivre sans attache et qui se retrouve avec un gigantesque boulet au pied ? L’expérience du film se rapprochera au plus près du cauchemar, à l’image du hongkongais Dream Home qui traitait de la violence de la crise du logement par la violence du cinéma gore.

The Real Estate fonctionne sur une sensation d’inconfort et joue sur les nerfs. Sa caméra est mobile, à la ivre et précise, avec une écriture qui lui est propre et qui est pour beaucoup dans le climat singulier du film. Au bord de la rupture, sans cesse. De la comédie noire tellement noire qu’elle bascule dans la folie WTF. Tout semble y préparer dans le monde dégénéré à l’image : ces vieux déglingués, ces lieux tacky de casino en salle de sport, et un coup sur la tête donne l’impression de suivre l’héroïne dans les dédales d’une boite de nuit surréaliste alors qu’on est juste dans l’un des appartemements miteux de son immeuble. Le film a cette liberté à la fois d’appeler un chat un chat tout en proposant un point de vue sans cesse déroutant sur son sujet et ses personnages. Il y a du culot et du talent dans ce cinéma qui prend le réel suffisamment au sérieux pour le traiter avec fantaisie.

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par Nicolas Bardot

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