Berlinale | Critique : The Devil Smokes

Avant que maman et papa ne disparaissent, le diable est venu et a laissé aux cinq frères et sœurs de nouvelles chaussures. Maman n’a jamais écrit de lettre d’adieu à Elsa, Marisol, Tomás et les autres, elle est simplement partie. Papa est allé la chercher et n’est jamais revenu non plus.

The Devil Smokes
Mexique, 2025
De Ernesto Martínez Bucio

Durée : 1h37

Sortie : –

Note :

LE DÉMON A MA PORTE

Fataliste, mamie ne s’inquiète pas plus que ça mais elle est formelle : le diable lui est apparu en songe et il se rapproche. Voilà prévenus ses cinq petits enfants avec qui elle vit. Mais bon, ces derniers ont beau être jeunots, ils ont déjà conscience que mamie vit déjà un peu dans sa propre réalité (du genre à couper les fils de la sonnette d’entrée sans prévenir ou à transformer ses prières en gesticulations zinzins), alors cette histoire de possession… D’ailleurs ce n’est pas le diable qui est en chemin, c’est le pape : les reportages télé ne montrent que lui et son arrivée à Mexico. Qu’est-ce qui pourrait bien clocher dans cette maison où cette fratrie vit chaleureusement les uns sur les autres comme dans une chaumière de conte de fée ? L’arbre généalogique que les enfants dessinent est d’ailleurs plein de couleurs et de papiers découpés, et il ne manque presque personne au tableau hormis maman.

Voilà l’ombre au tableau : maman est sortie de la maison (ce que pourtant nul ne fait dans ce film tourné intégralement en intérieur) et tarde à revenir. Papa est parti la chercher mais ne revient pas non plus. Les enfants restent enfermés à triple tour avec mamie, avec rien d’autre à faire que l’écouter déblatérer sur Belzebuth, regarder des vieux films de famille aux airs de found footages ou des journaux télés sur le choléra, rien d’autre à faire que passer le temps aussi joyeusement et innocemment qu’on le peut dans cette atmosphère qui aurait pourtant de quoi être menaçante. Rien d’autre à faire qu’attendre, et sur ce dernier point, The Devil Smokes nous met un peu dans la même position que ses protagonistes.

The Devil Smokes a beau se passer dans un seul et unique lieu, il est comme traversé par plusieurs ambiances à la fois. On y retrouve plusieurs codes apparents du cinéma fantastique (le film est majoritairement tourné dans une pénombre jaunie) mais le scénario ne se décide à quitter jamais réellement le réalisme triste et chaleureux à la fois de ce portrait d’enfants livrés à eux mêmes. Qu’on ne s’y trompe pas : le résultat appartient bien davantage à la famille accessible du drame familial qu’à celle du film de maison hantée. Cela n’aurait rien de frustrant si le scénario ne jouait justement pas autant sur l’attente (on y revient) et la suggestion métaphorique. The Devil Smokes sait néanmoins être solide et généreux sur d’autres points : les jeunes interprètes sont convaincants, et le travail sur la photo vient souligner la réussite de celui sur ce décor.

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par Gregory Coutaut

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