Festival de Busan | Critique : Tale of the Land

May est une jeune femme qui a tout perdu et qui survit désormais dans un maison flottant sur l’eau. Elle ne peut pas remettre un pied sur terre sans s’évanouir…

Tale of the Land
Indonésie, 2024
De Loeloe Hendra

Durée : 1h39

Sortie : –

Note :

QUAND LA MER MONTE

« Notre maison va-t-elle couler ? » demande, préoccupée, la jeune May. May (interprétée par la convaincante Shenina Cinnamon) vit en effet dans une maison sur l’eau et lors du premier plan de Tale of the Land, on en a plutôt une vision idyllique : c’est une charmante habitation en bois posée sur le drap bleuté de la mer. Très rapidement, quelques plans à l’intérieur de la bâtisse austère et dénudée nous confirment qu’il ne s’agit pas là d’une demeure de vacances. May vit au bord du monde et c’est une rescapée : elle appartient à un peuple indigène chassé de ses terres – ici, entre autres, par l’exploitation minière. La vie de May n’est pas rose et, au-delà de sa maison, on peut se demander si ce n’est pas elle qui risque de couler tout court.

« Où qu’on soit, nos ancêtres prendront soin de nous », la rassure l’homme âgé qui l’a recueillie lorsque la jeune femme a tout perdu. On se raccroche ainsi aux esprits dans ce film qui prend ses distances avec le strict drame réaliste. Le surnaturel s’invite dans les rêves, et les motifs employés par l’Indonésien Loeloe Hendra sont ceux du conte. May semble frappée par une malédiction, et ne peut plus remettre un pied sur la terre ferme qui est le territoire d’un traumatisme. « La terre est un mauvais endroit pour toi » l’avertit son gardien, sans qu’on ne sache vraiment s’il s’agit d’un bon géant ou d’une figure paternelle entretenant avec elle une relation toxique.

Cette perspective de fable apporte une respiration particulière au long métrage. Remarqué avec son court Onomastika (passé entre autres à la Berlinale), Hendra signe ici son premier long, sélectionné en compétition au Festival de Busan. Il fait preuve notamment d’un talent remarquable pour filmer le décor et transmettre ce que celui-ci peut exprimer. L’horizon est immense autour de May, mais son monde est pourtant exigu. La nature est spectaculaire, mais les couleurs sont retenues, comme voilées. La maison est mouvante mais l’existence est à l’arrêt. Le monde extérieur semble étrange vu d’ici, à travers les yeux de l’héroïne. Tale of the Land manque de temps à autre de relief ou de dynamisme sur sa durée, mais Loeloe Hendra parvient à composer un poignant récit d’émancipation qui circule avec une enrichissante fluidité entre le réel et le surnaturel, le politique et le merveilleux.

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par Nicolas Bardot

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