Hunter semble mener une vie parfaite aux côtés de Richie, son mari qui vient de reprendre la direction de l’entreprise familiale. Mais dès lors qu’elle tombe enceinte, elle développe un trouble compulsif du comportement alimentaire, caractérisé par l’ingestion d’objets dangereux…
Swallow
États-Unis, 2019
De Carlo Mirabella-Davis
Durée : 1h34
Sortie : 15/01/2020
Note :
NE PAS AVALER
Lors du premier plan de Swallow, Hunter, l’héroïne du film, contemple la vue incroyable qu’elle a de chez elle tout en remettant délicatement ses cheveux en place. Le décor est superbe mais on imagine rapidement le bel ennui de cet endroit haut perché dans l’Upstate New York. Carlo Mirabella-Davis (lire notre entretien) filme la splendide cage de verre dans laquelle Hunter, épouse au foyer, vit. Auprès de son mari, fils prodigue d’une famille d’ultra-riches, mais essentiellement seule. Et lorsque Hunter parle à son époux, on ne sait guère si elle s’adresse à lui ou si elle converse avec elle-même.
Si le film laisse une précieuse place à l’étrange et au malaise, ses métaphores ne sont pas un immense mystère. Le traitement de conte grotesque, avec des touches de comédie noire, est là pour donner des indices et une perspective particulière sur le réel. C’est l’un des choix les plus malins du film : tout semble d’abord ici trop visible, appuyé comme dans une farce, presque distancé… pour peu à peu décrire une situation parfaitement commune et réaliste. Sur les rapports de classe, avec cette jeune fille issue d’un milieu populaire et propulsée dans un monde auquel elle n’ose pas dire non. Sur la misogynie institutionnalisée, où l’on prend une épouse comme on embauche une domestique bénévole. Il faut, de nos jours, vivre dans une bulle pour imaginer que Swallow grossit le trait.
L’héroïne de Swallow se met à avaler n’importe quoi, au péril de sa propre santé. Pourtant, « tout le monde est bienveillant ici » lui assène t-on. Bienveillant comme peut l’être le paternalisme le plus toxique. Dans cette vie-là, Hunter doit avaler bien plus que des objets. Haley Bennett se sort brillamment de ce rôle de jeune candide glossy et le scénario de Carlo Mirabella-Davis a la bonne idée de ne pas faire d’elle qu’une poupée sacrificielle.
Bennett peut briser le cœur en un mot et le cinéaste sait nous embarquer auprès d’elle. Le long métrage ne commet qu’une vraie faute lors d’une séquence où l’on change de ton et où l’on se retrouve dans les conventions de ce cinéma indé américain dit « du pardon ». Des conventions que Swallow fuit habilement pendant le reste du film. A l’image du générique de fin, peut-être le plus beau de l’année – comme un clin d’œil à la magnifique ouverture de Portrait de femme de Jane Campion et qui raccroche la fantaisie au réel, l’héroïne de fiction à toutes les femmes.
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par Nicolas Bardot