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Longtemps considérée comme la grande scream queen du cinéma asiatique, Suzzanna demeure pratiquement inconnue du public occidental. Plongez dans l’étrange histoire vraie de cette star énigmatique, célèbre pour ses rôles de démones et d’esprits vengeurs dont les exactions surnaturelles auraient, selon la légende, dicté sa vie controversée et sa mystérieuse disparition.
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Suzzanna : The Queen of Black Magic
États-Unis, 2024
De David Gregory
Durée : 1h28
Sortie : –
Note :
STAR, C’EST POUR LA VIE
Connaissez-vous Suzzanna ? Un intervenant, au début du documentaire Suzzanna : The Queen of Black Magic, nous l’assure : « Boris Karloff, Bela Lugosi, Vincent Price : elle les surpasse tous ». Le Britannique David Gregory, qu’on a remarqué notamment avec son formidable Lost Soul: The Doomed Journey of Richard Stanley’s Island of Dr. Moreau (sur le tournage désastreux de la version 1996 de L’Île du Dr Moreau), fait le portrait de cette icône pourtant largement méconnue en occident. Les vêtements de Suzzanna sont accrochés aux murs dans la pièce d’apparence modeste où elle est décédée – son histoire et ses histoires à l’écran seront beaucoup plus spectaculaires.
Née d’une mère indonésienne et d’un père néerlandais, Suzzanna porte en elle une Histoire de l’Indonésie. La fin de l’occupation coloniale néerlandaise donne lieu à une baisse de la censure et une prépondérance des films de divertissement – et l’Histoire du pays s’exprime aussi à travers sa production cinématographique. Fait qui peut sembler surprenant à des yeux français dans un pays où le cinéma fantastique est culturellement marginal, l’horreur représente une très large partie des films produits en Indonésie dans les années 80. « L’horreur nourrit nos cœur », commente l’actrice. Le surnaturel occupe une place beaucoup plus centrale dans la culture indonésienne et sur grand écran, Suzzanna en est l’incontournable visage.
L’aspect le plus immédiatement jubilatoire de Suzzanna : The Queen of Black Magic réside en son montage de films dans laquelle joue la star. Les extraits extravagants mettent en valeur la fantaisie, les films sont plus grands que nature et le bestiaire fantastique est très riche. Ce spectacle joyeusement outrancier donne l’irrésistible envie de se plonger dans la filmographie de l’actrice et ses récits de « mysticisme rural ». Suzzanna y montre un visage mélancolique en même temps qu’un regard intense. David Gregory raconte également les mystères de Suzzanna : mystère dans la vie, mystère de sa persona à l’écran, mystère dans la mort et même après la mort. C’est la boucle bouclée qu’illustre avec malice et tendresse cet hommage cinématographique : dans l’au-delà, Suzzanna vit encore et est devenue ses personnages.
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par Nicolas Bardot