Festival de Rotterdam | Critique : Strandzha

Une exploration du passé hanté de l’Europe de l’Est à travers des moments de pratiques traditionnelles, de contes folkloriques et d’histoires orales.

Strandzha
Allemagne, 2025
De Pepa Hristova

Durée : 1h35

Sortie : –

Note :

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Strandzha est le nom d’une forêt, une immense frontière verte située à cheval sur le sud-est de la Bulgarie et la partie européenne de la Turquie. Or, toute frontière est « une invitation à la transgression » selon le poème placé en préface de cet étonnant documentaire. Strandzha est le premier long métrage de Pepa Hristova, photographe bulgare basée en Allemagne, et celle-ci se joue effectivement des limites et définitions. Jamais présente à l’écran, elle nous invite à pénétrer ces bois et leur riche histoire par bien des manières différentes, en suivant plusieurs chemins à la fois, transformant cette promenade en un imprévisible collage.

Que s’attend-on à croiser en forêt ? Des animaux, des chasseurs, quelques ruines abandonnées ? On croise effectivement tout cela, mais le talent de Hristova est de parvenir, tout en filmant le réel, à mettre en scène un invisible hors-champ : le passé de cette forêt. Des monuments (aux morts ?) recouverts de mousse ne servent plus que de terrain de jeux à des enfants vivant on ne sait où. Les souvenirs bravaches de gardes-frontières ne trouvent écho que dans les mises en scène d’ados oisifs jouant aux soldats. La présence furtive de ce qui ressemble à une caravane de migrants captée par caméra infrarouge vient rappeler que la question humaine de la frontière ne s’est pas évaporée depuis le siècle passé. Mais Strandzha cherche aussi à remonter le temps encore plus loin.

C’est un passé féminin et mythologique qui remonte à la surface lorsque Hristova filme régulièrement les patientes d’une maison de repos reconstituant des bacchanales de samodivas, ces créatures slaves entre l’elfe et la nymphe. Face à ces scènes, on ne sait plus très bien si l’on se trouve face à un documentaire ou un film fantastique, et tant mieux. Le propre de la forêt est d’offrir une perte de repère géographique. Strandzha offre également un voyage dans le temps et une sympathique variation de registres documentaires. L’échelle des micro-événements filmés ici a beau rester petite, on en ressort avec l’impression entêtante que le passé n’a jamais vraiment disparu.

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par Gregory Coutaut

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