VOYAGE EN TERRE REBATTUE

Ne dis rien est le troisième long métrage du cinéaste danois Christian Tafdrup. Si ses films ne sont pas sortis sur les écrans français, son premier long métrage Parents avaient été sélectionné en compétition à La Roche-sur-Yon en 2016. Ces deux films possèdent chacun leur propre ton mais partagent la volonté commune de triturer l’image de parents idéaux, héroïques et ayant réponse à tout. Chaque personnage de Ne dis rien a d’abord l’air d’être justement un parent idéal. Le genre à se lier facilement d’amitié avec d’autres adultes et leurs enfants, le genre à rebrousser chemin pour aller retrouver un lapin en peluche oublié en chemin.

Mais, de même que les couleurs artificiellement saturées du club de vacances italien ne tardent pas à virer à des tons ocres et verdâtres de la campagne hollandaise (ce qui n’est pas la trouvaille visuelle la plus originale possible), les masques de la bonhomie ne demandent qu’à tomber. Le programme est prévu d’avance, et on embarque d’emblée avec comme encombrant bagage la sensation d’avoir déjà plusieurs wagons d’avance sur les personnages. Tafdrup donne également l’impression pénible de se placer au-dessus de ses personnages, de les prendre de haut en les faisant agir et réagir de façon arbitraire et peu crédible tels des pantins neuneus.

Tafdrup dit avoir voulu réaliser le film le plus éprouvant possible. La confrontation malaisante de la réserve nordique et de la franchise néerlandaise est une piste farcesque intéressante mais hélas trop vite évacuée. Haneke et Lars Von Trier sont ici cités en modèle, mais en vérité le scénario ne fait que se vautrer dans les clichés les plus éculés, telle cette scène où le héros découvre que le méchant a tapissé une pièce secrète des photos de ses précédentes victimes. Le cinéaste dit avoir voulu réaliser le meilleur film d’horreur possible, alors même qu’il n’aime pas le genre. S’il regardait un peu plus de films d’horreur, il s’apercevrait que son film existe déjà en plein, plein d’exemplaires et que sa redite est loin d’être le game changer qu’il prétend être. Ne dis rien se regarde moins en se cachant les yeux qu’en levant ces derniers au ciel.

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