TIFF 2024 | Critique : Sous hypnose

André et Vera, un jeune couple d’entrepreneurs a l’occasion de présenter leur application de santé féminine lors d’un prestigieux concours. Avant de s’y rendre, Vera essaie l’hypnothérapie pour arrêter de fumer. À partir de ce moment, son attitude change et André commence à se comporter de manière inattendue…

Sous hypnose
Suède, 2023
D’Ernst De Geer

Durée : 1h38

Sortie : prochainement

Note :

LES YEUX GRANDS OUVERTS

Très remarqué lors de sa longue carrière en festivals (où il a été primé entre autres à Karlovy Vary et Premiers Plans d’Angers), Sous hypnose est le premier long métrage du Suédois Ernst De Geer. Le film s’ouvre par des scènes anodines de la vie conjugale d’André et Vera, qui forment un couple parfaitement soudé – André et Vera travaillent même ensemble. Tout semble fluide, simple et entendu : quelle poussière peut bien tout faire dérailler ? A posteriori, le mauvais esprit qui habite Sous hypnose nous pousse plutôt à nous questionner : est-ce que tout allait vraiment si bien ?

Suite à une séance d’hypnothérapie dans l’espoir d’arrêter de fumer, le comportement de Vera se met à changer. Quel est la nature de ce voyage « magique et mystique » promis par sa thérapeute ? Ernst De Geer explore les dynamiques de couple et comment celles-ci se révèlent plus complexes qu’en apparence. Cette alchimie est-elle naturelle ou est-elle le fruit d’un laborieux travail ? Quelle place trouve chacun et chacune dans le couple – et quel rôle doit-on jouer ? Ce rôle social s’étend à d’autres territoires que celui du couple : cela peut être le rôle éternellement joué face à sa propre mère, ou encore le rôle joué au travail, où l’on se présente sous son jour le plus séduisant.

Le hic, c’est que la « métamorphose » de Vera ne fait pas d’elle quelqu’un de « meilleur ». Si la jeune femme se libère de ses inhibitions, c’est pour basculer dans une folie douce totalement absurde, explosant les conventions sociales. Incontrôlable – voilà probablement le voyage magique et mystique entamé par Vera, qui ne sera peut-être plus la jeune femme, compagne, fille, employée attentive, polie et mesurée qu’on lui demande d’être depuis sa naissance. La perspective du cinéaste est bien sûr celle d’une comédie noire et absurde, mais l’absurde est un outil parfait pour parler du réel, de sa violence et de son absurdité.

Sous hypnose a, de temps à autre, du mal à se sortir de la formule assez identifiée et plutôt prévisible de la comédie scandinave malaise, où l’imprévu finit par ne plus être si imprévu et semble obéir à une démonstration, un programme. Le film se distingue néanmoins par sa propension à ne pas ménager ses personnages, son héros masculin en tête. Ce portrait de jeune homme qui s’imagine relativement irréprochable, à l’écoute, au service des femmes, mais qui se révèle incapable de se décentrer, prend la parole avec une légitimité discutable et peut bien remplacer son épouse par la première figurante venue, ce portrait-là est suffisamment mordant pour donner du relief à Sous hypnose. Le long métrage s’appuie également sur des performances de qualité, par Asta Kamma August (vue récemment dans Kalak) et Herbert Nordrum (Julie (en 12 chapitres)).

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par Nicolas Bardot

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