
David, alias « Mister Raw », fait partie de la scène montante des « guérisseurs » liés aux idéologies d’extrême droite. Officiant pour l’influenceur végan, Timo tente quant à lui de soigner ses délires psychotiques à l’aide de compléments alimentaires et de périodes de jeûne. Une plongée dans les motifs poussant des êtres à se tourner vers un monde de menaces et de forces obscures.

Soldiers of Light
Allemagne, 2025
De Johannes Büttner & Julian Vogel
Durée : 1h48
Sortie : –
Note :
UN HOMME D’INFLUENCE
Sur les réseaux sociaux, David est connu sous le pseudo de Mister Raw. Ce jeune homme noir est influenceur nutritionniste spécialisé dans le véganisme. Mais si sa chaîne YouTube menace d’être interdite d’accès, ce n’est pas à cause de ces recettes de cuisine. Mister Raw fait partir de ces influenceurs bien-être dont les théories complotistes rappellent dangereusement les sphères d’extrêmes droites. Vegan et facho pourraient avoir l’air d’une oxymore, c’est pourtant une combinaison qui commence à se répandre en Allemagne, en particulier depuis le confinement et la méfiance suscitée par les mesures sanitaires du gouvernement.
Les cinéastes allemands Johannes Büttner & Julian Vogel captent sans intervenir le quotidien de cet homme dont ce n’est pas peu dire qu’il est plein de paradoxes. On pourrait craindre que leur absence de commentaires revienne à offrir une plateforme sur grand écran aux idées de David, mais le film bénéficie de deux garde-fous en la matière. Tout d’abord un montage qui tranche vif et ne donne pas à ces théories hallucinantes le loisir d’être prises très au sérieux, puis un étrange personnage secondaire. Discret et mal dans sa peau, Timo souhaite guérir auprès de David. Celui l’héberge et l’affame, euh pardon le coache, en échange de travail d’esclave, euh pardon de travail bénévole pour la communauté. La relation entre les deux est d’une violente ambiguïté mais celle-ci ne prête pas à sourire : la place progressivement donnée à Timo dans Soldiers of Light se fait de plus en plus tragique et poignante.
Ce documentaire ne ressemble donc à aucun moment à une pub pour ce qu’on a envie d’appeler sans détours une secte. Sous leurs airs de gentils garçons, David et sa bande de potes (que des mecs d’ailleurs – le doc fait un très bon travail au moment de montrer la place de potiche qui attend les filles dans cette communauté soi disant libre et alternative) cumulent toutes les formes de connerie et de délires paranos d’extrême droite, de la transphobie au négationnisme, des complots scientifiques (saviez vous que le gouvernement boit du sang d’enfant et cherche à rendre vos enfants trisomiques ?) en allant même jusqu’au cryptomonnaies. Il est tentant de citer toutes les phrases les plus débiles entendues ici mais on vous laisse le « plaisir » de la surprise, car cette accumulation insensée donne énormément de relief au film.
Comment Mister Raw a-t-il pu accepter d’être filmé au delà de ses habituels filtres et éléments de langage ? D’une part car il croit vraiment à ce qu’il raconte et que, comme tout gourou, il est incapable de se remettre en question. D’autre part car cet homme s’avère être un ami d’enfance des cinéastes, qu’ils avaient perdu de vue depuis des années. C’est sur cette base commune qu’a pu se nouer si ce n’est une compréhension mutuelle, au moins un lien de confiance suffisamment fort pour ouvrir la porte vers cette folie qui se cache derrière la vacuité de certains slogans feel good.
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par Gregory Coutaut