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Maya vit avec son mari Sundar et leur fils adolescent Debu dans une banlieue poussiéreuse de Calcutta. Elle a plusieurs boulots : elle nettoie des maisons, travaille dans un élevage de poulets et repasse le linge. Sundar, un ancien soldat qui souffre de stress post-traumatique, est la risée du quartier. Debu est souvent laissé à lui-même pour s’occuper de son père et est déchiré entre son embarras et son affection pour lui. Maya reçoit peu de soutien de sa propre famille pendant cette période difficile : ils étaient tous opposés à son mariage avec Sundar, le considérant comme un étranger. Maya essaie de persuader Sundar de trouver un emploi, mais il résiste.
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Shadowbox
Inde, 2025
De Tanushree Das & Saumyananda Sahi
Durée : 1h31
Sortie : –
Note :
AVANT QUE L’OMBRE
Les réveils du jeune Debu ne sont pas faciles, ceux de son père Sundar n’ont pas l’air plus évidents. Mais pendant que fiston et daron traînent au lit, Maya, mère et épouse, carbure depuis le petit matin. Maya traverse sa banlieue de Kolkata à vélo et le décor ne ressemble pas vraiment à une carte postale. Dans leur premier long métrage, le duo indien composé de Tanushree Das et Saumyananda Sahi raconte une histoire où le drame social est renouvelé par une caractérisation assez singulière. Sundar est un ancien soldat souffrant de stress post traumatique ; son épouse prend soin de lui parfois comme s’il s’agissait de son fils – à l’image de la scène où elle lui cherche un emploi à l’école. Plus globalement, les cinéastes font le double portrait de masculinités inoffensives (un père qui a peur de tout, un fils qui apprend à danser), imprimant une dynamique plutôt inédite quant aux relations entre les personnages.
Hors de la maison, on est plus catégorique : « Les maris sont meilleurs quand ils sont morts ! » entend-on, tandis qu’on ne se retient pas pour dire que Sundar serait mieux interné à l’asile. L’excellente Tillotama Shome livre une interprétation particulièrement remarquable dans un rôle qui n’est pas évident à circonscrire. C’est une mère courage qui non seulement n’est remerciée par personne mais est la première à être accablée. Maya n’est jamais une victime sacrificielle pour autant : Saumyananda Sahi a réussi à écrire un personnage multidimensionnel, pragmatique face aux humiliations, silencieuse mais pas dupe face aux attaques.
Outre son écriture et son interprétation, Shadowbox se distingue avant tout par son ambition visuelle. Il n’y a pratiquement pas un plan (on les a surveillés) où l’usage des couleurs n’est pas remarquable. Cet accomplissement exquis et subtil rappelle qu’il s’agit là l’une des forces du cinéma d’auteur indien – du moins parmi ce qui nous parvient en salles et en festivals. Lors d’un basculement saisissant où les deux personnages principaux se confrontent, Das et Sahi filment les visages en un quasi-noir et blanc qui nous donnerait presque l’impression d’atterrir en plein Pedro Costa. Si ses émotions sont volontairement mises en sourdine, Shadowbox exprime beaucoup de talent et fait preuve d’un appétit de cinéma communicatif.
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par Nicolas Bardot