Festival de Karlovy Vary | Critique : Santosh

Une région rurale du nord de l’Inde. Après la mort de son mari, Santosh, une jeune femme, hérite de son poste et devient policière comme la loi le permet. Lorsqu’elle est appelée sur le lieu du meurtre d’une jeune fille de caste inférieure, Santosh se retrouve plongée dans une enquête tortueuse aux côtés de la charismatique inspectrice Sharma, qui la prend sous son aile.

Santosh
Inde, 2024
De Sandhya Suri

Durée : 2h08

Sortie : 17/07/2024

Note :

QUE FAIT LA POLICE ?

A peine le film a-t-il commencé que l’héroïne éponyme perd son mari. Policier, ce dernier été abattu lors d’une émeute anti-forces de l’ordre. Au lieu de la traiter avec le respect dû à son veuvage, la belle-famille de Santosh peste contre elle comme s’il s’agissait d’une machine tombée en panne beaucoup plus tôt que prévu, un objet encombrant qu’on ne désigne qu’à la troisième personne, même sous son nez. Comme si une veuve n’avait pas d’autre option possible que de devenir un poids pour les autres jusqu’à la fin de ses jours. Un surprenant héritage attend pourtant Santosh. Selon une loi en apparence un peu rocambolesque mais qui existe bel et bien en Inde, une veuve peut, si elle le désire (et en passant tout de même un concours, bien sûr), hériter du poste de fonction publique de son défunt mari. Santosh n’a pas vraiment le choix si elle veut vivre en indépendance : la voilà apprentie policière.

Santosh va-t-elle vivre une émancipation féminine galvanisante à travers le métier de gardienne de la paix ? Non, le film a plus de finesse que cela. Non seulement l’héroïne va être directement confrontée à la récurrence et la quasi-impunité des violences faites aux femmes et des violences entre castes, mais elle va également devoir composer avec la corruption de sa hiérarchie. La réalisatrice anglo-indienne Sandhya Suri vient du documentaire, et explique ne pas avoir spécialement prévu de sauter le pas vers la fiction. Ce qui l’a décidée ? La stricte impossibilité de faire un documentaire sur la police indienne, selon ses termes.

Cette volonté de témoigner avant même de raconter explique peut être quelques limites un peu convenues de cette mise en scène sage et de cette structure scénaristique. Ainsi, Santosh est un peu coincée dans la fonction ingrate du « personnage neutre qui observe ». Heureusement elle a face à elle un second rôle en or : sa supérieure hiérarchique, quelque part entre mama bienveillante et tortionnaire folle. Ainsi se noue peu à peu une double identification : Santosh se reconnaît dans la jeune victime d’un viol collectif, tandis que sa supérieure se reconnaît en elle. Ce drame accessible manque parfois un peu de personnalité dans sa mise en image, mais ce scénario intelligent qui met en scène des personnages féminins nuancés a le mérite de poser sans naïveté des bonnes questions sur l’ambiguïté de l’usage de la violence et de la force.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article