Critique : Residue

Jay, la trentaine, retourne dans son quartier d’enfance de Washington D.C. et y découvre à quel point celui-ci s’est gentrifié. Les résidents afro-américains se trouvent poussés hors de chez eux par des propriétaires plus riches et majoritairement blancs. Traité comme un étranger par ses anciens amis, Jay ne sait plus tout à fait à quel monde il appartient.

Residue
États-Unis, 2020
De Merawi Gerima

Durée : 1h30

Sortie : 05/01/2022

Note :

QUARTIER LOINTAIN

Residue s’ouvre par des images de rassemblement où l’on peut voir des panneaux dressés en l’air clamant « Long Live Gogo ». Cela ressemble à première vue à une célébration dans la rue, c’est aussi une mobilisation politique. Et peu à peu, dans cet espace occupé par des Noirs, les images de gyrophares, d’agents de police et de leurs véhicules s’accumulent. De la captation doc, le réalisateur Merawi Gerima (lire notre entretien) passe en un fondu enchainé à la fiction – mais celle-ci est évidemment ancrée dans le réel. Jay revient dans son quartier d’enfance et ne le reconnaît plus. Ou plutôt : il ne reconnaît plus personne. La gentrification a fait son travail et Jay, dès qu’il revient chez lui, tombe sur un Blanc qui menace d’appeler les flics.

Le réalisateur commente : « Chaque fois que je retourne dans mon ancien quartier, je découvre qu’un nouvel ami d’enfance est parti, a disparu, a été emprisonné ou tué. Un quartier dynamique anéanti par des décennies de drogues, de désinvestissement et de sur-présence policière. Maintenant, à part quelques familles survivantes, vous ne trouverez presque aucune preuve de notre existence ». Residue décrit un quartier où les Blancs repeignent la ville comme si les Noirs n’avaient jamais existé – comme s’ils ne comptaient pas. Gerima capte une atmosphère orageuse. Dans le film, une personne se questionne, parle de zone de guerre, de jungle. Ce ne sont pas seulement les Noirs mais aussi leur espace qui semblent perçus comme une menace.

Les souvenirs du quartier prennent une forme particulière dans Residue. Mémoire et visions mentales se mêlent dans le long métrage où les images superposées confrontent les temporalités. Voici hier, voici aujourd’hui. Gerima peut filmer la naissance et la vie en un simple mouvement de caméra, un chemin qui peut être court pour certains jeunes hommes noirs. Le film atteint presque une sorte de dimension onirique dans sa représentation de la mémoire, et sa rencontre avec le présent. Ce film évidemment hautement politique décrit aussi de façon à la fois subtile et fulgurante les mécanismes de la charge raciale. Cet ambitieux morceau esthétique a beaucoup à dire – nous vous conseillons de découvrir cette révélation dès que vous le pourrez.

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par Nicolas Bardot

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