À Irénée-les-Neiges, bourgade perdue de 215 habitants, Simon Dubé perd la vie en voiture. Choqués, les gens n’osent trop parler des circonstances de la tragédie. Dorénavant, pour la famille Dubé, la mairesse Smallwood et une poignée d’autres, le temps semble se rompre et les jours flottent sans fin. Quelque chose s’abat lentement sur la région…
Répertoire des villes disparues
Canada, 2019
De Denis Côté
Durée : 1h35
Sortie : –
Note :
QUAND LA VILLE DORT
Répertoire des villes disparues est à nos yeux le meilleur long métrage de Denis Côté. On doit pour notre part avouer avoir très peu goûté l’ironie cabotine de ses précédentes fictions qui minaudaient jusqu’à leur titre (Vic+Flo ont vu un ours, Boris sans Béatrice). Répertoire laisse (en général) l’ironie crispante pour saisir des figures de drame fantomatique au premier degré. Et il y a ici un charme lugubre dans la cinégénie inhérente aux villes bientôt fantômes, et aux tristes maisons abandonnées. C’est un territoire qui ouvre grand la porte de l’imaginaire et c’est ce qui fonctionne bien dans un premier temps ici.
Le grain, le voile gris sur l’image ajoutent à cette atmosphère assez délectable. Que s’est-il passé au 186 du bout de la rue ? Qui se cache donc derrière ces masques creepy ? L’affaire de chacun est l’affaire de tout le monde dans Répertoire des villes disparues. Un deuil dans la ville est traité comme un deuil familial. Le vivre-ensemble, comme l’indique la mairesse, est primordial. Et on fête le Nouvel An malgré la peine. Côté est pourtant assez mordant avec cette communauté à l’agonie. Plus qu’un charmant village abandonné par des jeunes ingrats, le film dépeint surtout un lieu de repli, de xénophobie larvée, d’immédiat complexe d’infériorité vis-à-vis de la « grande ville », bref un lieu en vase clos refermé sur lui-même. C’est un lieu et un esprit que le film raconte ici.
Peu à peu, le long métrage délaisse l’hésitation fantastique pour le pur fantastique. C’est, à notre sens, là où le film faiblit. D’abord parce qu’aucune des apparitions n’est mise en scène de manière intéressante (à part celles où l’apparition est justement laissée hors champ). On imagine un instant ce qu’un Kurosawa aurait fait de la scène du garage ou celle de l’homme immobile dans les marches de sa maison. Le long métrage devient trop lisible, ses personnages se mettent à expliquer, et les archétypes finissent par figer la narration. Certains clins d’oeil (comme au couple d’Andy et Lucy de Twin Peaks) font tiquer (par pitié : pas de comparaison avec Twin Peaks). D’abord plutôt prometteur, Répertoire est un spectacle plutôt solide, à l’atmosphère plutôt réussie, mais qui formellement et narrativement ne décolle pas quand il le devrait.
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par Nicolas Bardot