Berlinale | Critique : Reflet dans un diamant mort

John D, un septuagénaire vivant dans un hôtel de luxe sur la Côte d’Azur, est intrigué par sa voisine de chambre qui lui rappelle les heures les plus folles de la Riviera durant les années 60. À cette époque, il était espion dans un monde en pleine expansion et plein de promesses. Un jour, cette voisine disparaît mystérieusement… et replonge John face à ses démons : ses adversaires d’antan sont-ils de retour pour semer le chaos dans son monde idyllique ?

Reflet dans un diamant mort
France, 2025
De Hélène Cattet & Bruno Forzani

Durée : 1h27

Sortie : 02/07/2025

Note :

MON BEAU MIROIR

Un vieil homme seul face à la mer, assis à la terrasse d’un palace, se sent soudain ravivé par le désir provoqué par un jeune corps qui s’offre à sa vue. Cette séquence, qui sert de point de départ à Reflet dans un diamant mort, fait écho à Mort à Venise, mais attention. Même si cette fugace référence à Visconti est bel et bien confirmée par Hélène Cattet et Bruno Forzani, le cœur de leur nouveau film bat sous des tropiques cinématographiques bien différents. On peut même dire qu’il s’agit là de la première illusion d’un film-puzzle qui en comporte mille et une.

Avec Amer (2009), la fascinante filmographie de Cattet et Forzani s’était ouverte par un hommage postmoderne au giallo italien. Leurs autres films ont revisité avec appétit et virtuosité d’autres facette de l’histoire du cinéma de genre européen mais ont conservé comme fil rouge une narration libre où différents niveaux de réalités parfois contradictoires se répondent et se superposent mutuellement comme dans un ruban de Moebius ou les rébus filmiques de Satoshi Kon. Reflet dans un diamant mort, dont le récit est bâti autour de la perte de repères d’un ancien espion entre passé et présent, fiction et fantasmes, cinéma et réalité, pioche cette fois dans le registre du récit d’espionnage transalpin, qu’il trouve son origine dans le cinéma ou la bande dessinée, comme dans la série des Diabolik, directement citée ici.

On retrouve dès le tout premier plan la vertigineuse ingéniosité visuelle de Cattet et Forzani. Leur vocabulaire cinématographique parait si riche et intarissable qu’il offre ici une vision par plan. On devrait d’ailleurs moins parler de vision que d’orgasme oculaire, tant le film surfe avec grâce et vélocité d’éclats en éclats. On serait coupable de révéler trop de détails sur la cascade de trouvailles de mise en scène et d’écriture, mais le festin qui en résulte nous a à plusieurs reprises coupé le souffle de surprise et d’admiration. On a rarement l’occasion de se retrouver face à un film qui ambitionne comme celui-ci de s’adresser autant au regard qu’à l’ouïe et même au toucher. Le cuir crisse, les diamants rayonnent, et les multiples référence à l’Op Art donnent l’impression de regarder le film à travers un kaléidoscope en 3d.

A propos d’ambition, Reflet dans un diamant mort en possède tout simplement trop pour se contenter d’être un pastiche ironique ou une reconstitution fétichiste. Cattet et Forzani ne compilent pas les références, ils les remixent selon une recette unique qu’on serait bien en mal d’expliquer et de reproduire. Le résultat est à la fois d’un grand sérieux et garni d’idées fantaisistes sans pourtant jamais tomber dans un cynisme facile de parodie. De loin, le film pourrait avoir l’air d’une bande démo épuisante d’effets de style, mais ce serait lui accorder une vision trop superficielle. Cela voudrait dire que le duo belge ne rend hommage qu’aux effets et apparences des films qui les ont inspirés. C’est faux. Reflet dans un diamant mort est un film qui rend autant hommage à ce qui se trouve sur un écran de cinéma qu’à ce qui en sort : le sentiment unique, hyperbolique et mélancolique de la cinéphilie.

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par Gregory Coutaut

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