FID Marseille | Critique : Raposa

Leonor Noivo est cinéaste, Patrícia Guerreiro actrice. Pour faire un film au sujet du secret qu’elles partagent et qui fonde leur intimité, elles décident de créer ensemble le personnage de Marta. Leur secret est une difficulté d’être que la médecine nomme anorexie.

Raposa
Portugal, 2019
De Leonor Noivo

Durée : 0h40

Sortie : –

Note :

CORPS ÉTRANGER

Raposa a nécessité deux ans de confection, mais le point de départ du film date peut-être d’il y a vingt ans, lorsque Leonor Noivo et Patrícia Guerreiro se sont rencontrées sur un tournage. Il y a un fort sentiment d’intimité dans le portrait proposé par Raposa, à la fois dans la façon dont l’actrice Patrícia Guerreiro se livre à travers le personnage de Marta mais aussi dans la manière que Leonor Noivo a de la filmer. Noivo cadre les mains, les cheveux, une partie du visage. Le découpage est d’une grande délicatesse. Et l’on finit par voir en Guerreiro comme on regarderait une radio.

Le traitement heureusement est ici beaucoup plus sensible qu’une IRM. Où est mon corps, où se trouvent mes pensées ? Le corps est au centre des préoccupations dans Raposa, le film traitant entre autres de l’anorexie. Mais c’est aussi, par sa finesse et son tact, une expérience hors du corps. Deux scènes superbes l’illustrent avec poésie : une première où la silhouette de l’actrice est tracée à la craie – puis contemplée avec un pas de recul, une autre où elle se retrouve littéralement momifiée, puis le corps étrangement dupliqué.

Le recul sur soi dans Raposa passe à la fois par l’introspection et l’observation hypersensible. Patrícia Guerreiro compte tout dans Raposa, elle compte les grammes, les jours, les défaites et les frustrations. Elle compte comme l’héroïne de I Am Keiko de Sono Sion comptait, traversant le cadre au rythme hypnotique des 1, 2, 3… Le silence dans Raposa nous pousse aussi à mieux écouter ce portrait émouvant, nu et honnête, dense et fragile, d’une sincérité assez bouleversante.

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par Nicolas Bardot

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