À Nairobi, Kena et Ziki mènent deux vies de jeunes lycéennes bien différentes, mais cherchent chacune à leur façon à poursuivre leurs rêves. Leurs chemins se croisent en pleine campagne électorale au cours de laquelle s’affrontent leurs pères respectifs. Attirées l’une vers l’autre dans une société kenyane conservatrice, les deux jeunes femmes vont être contraintes de choisir entre amour et sécurité…
Rafiki
Kenya, 2018
De Wanuri Kahiu
Durée : 1h22
Sortie : 26/09/2018
Note :
L’AMOUR DEBOUT
Il y a trois ans, le prix du jury du Teddy Award (meilleur film LGBT de la Berlinale) revenait au très chouette Stories of Our Lives de Jim Chuchu, une collection de courts métrages reconstituant des expériences vécues par des jeunes gays et lesbiens kényans. Passé cet exemple, et aujourd’hui celui de Rafiki, on ne peut pas dire qu’on croule sous les représentations queer en provenance de ce pays. Au Kenya, il n’existe toujours aucune forme de protection légale pour les personnes LBGT, et le « crime » de sodomie est passible de quatorze ans de prison. Dans un contexte aussi répressif, même la représentation la plus sage de personnages autres qu’hétéro est une gigantesque prise de risque.
De fait, jusqu’à une très récente (et hélas ponctuelle) levée d’interdiction, l’exploitation du film Rafiki a été censurée par les autorité kényanes, au motif officiel que celui-ci « avait clairement pour intention de faire la promotion du lesbianisme, ce qui est contraire aux valeurs dominantes du pays ». Saluons au passage cet increvable fantasme homophobe qui veut qu’il suffirait de représentations LGBT pour exercer une mauvais influence les hétéros. Le cas de Rafiki n’est hélas pas exceptionnel, et rappelle celui encore récent des Initiés (The Wound), également cible de nombreuses menaces et interdit de sortie dans son propre pays, l’Afrique du sud. Il est indispensable de relayer ces actes de censure, mais il ne faut pas pour autant réduire ces films à des symboles. Rafiki mérite aussi que l’on vante ses qualités cinématographiques, alors parlons-en.
En adaptant l’autrice ougandaise Monica Arac de Nyeko, la réalisatrice Wanuri Kahiu donne une image puissante et rare des jeunes femmes africaines : libres et rebelles. Des lesbiennes épanouies mais aussi tout simplement des jeunes femmes échappant aux traditions patriarcales. Ici, le récit est simple, suivant la classique carte du tendre avec un charme certain, poussant le romantisme adolescent jusqu’à des scènes irrésistibles où les héroïnes partagent une innocente balade en… pédalo. Quelle terrible menace pour les valeurs hétérosexuelles. Mais la menace qui pèse sur les héroïnes est, elle, bien réelle, et le film ne l’élude pas. Sans naïveté, Wanuri Kahiu fait pourtant le pari de s’attacher aux amoureuses plutôt qu’à leurs ennemis, de se concentrer sur ce que ces représentations peuvent avoir de plus positif.
En effet, à l’inverse du dolorisme de pas mal de films queer des années 90, et à l’inverse de ce qui constitue les clichés de mauvais films LGBT, Rafiki est un film sacrément solaire, d’une bienveillance qui fait un bien fou. Le tout niché dans un écrin en forme de cascade de couleurs. Et quel kaléidoscope !Sur les fringues, les motos, les néons, dans les cheveux : les couleurs chaudes et fun sont partout. Souvent filmés de très près, les visages des héroïnes se parent de tout un arc en ciel pop. Le résultat visuel est à l’image du film entier, émouvant et excitant à la fois, comme un coucher de soleil dans un ciel rose ou un feu d’artifice partagé en cachette.
>>> Rafiki est visible en vod sur La Toile
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par Gregory Coutaut