Festival du Caire | Critique : Qui rido io

Le film met l’accent sur le grand acteur et dramaturge Eduardo Scarpetta, père d’Eduardo De Filippo. Scarpetta a consacré toute sa vie au monde du théâtre, produisant des œuvres qui deviendront des classiques intemporels, comme Miseria e nobiltà.

Qui rido io
Italie, 2021
De Mario Martone

Durée : 2h13

Sortie : –

Note :

CLOWN TRISTE

Le comédien napolitain Eduardo Scarpetta n’est pas forcément connu chez nous, mais le voilà à l’honneur chez nos voisins transalpins dans un biopic qui cumule les signes extérieurs de richesse. Même si le cinéaste Mario Martone est tombé en désuétude depuis sa révélation au début des années 90, Qui rido io (traduction : « là, je me marre ») reste un véhicule pour l’acteur-star Toni Servillo, et vient d’être présenté à la Mostra, dans une compétition où le nombre des réalisateurs italiens fait pourtant déjà grincer des dents.

Eduardo Scarpetta est surtout mis en avant (à défaut d’être mis en valeur) par un scénario qui ne laisse délibérément aucune place à tout autre sentiment que l’admiration, ou même à toute nuance. Difficile de se faire une idée par soi-même du talent du maitre quand le film passe son temps à crier au génie dans notre oreille, sans même pointer du doigt vers quelque chose en particulier. Qui rido io s’ouvre par un extrait de l’une des plus fameuses pièces de Scarpetta, mais le public s’y esclaffe avec l’artificialité absurde et arbitraire des rires enregistrés de sitcom, si bien qu’on n’a même pas l’opportunité de comprendre ce qu’ils peuvent bien y trouver de divertissant. Le film évite au moins l’écueil d’être une explication de texte, mais un minimum de contexte n’aurait pas été de refus.

Eduardo Scarpetta est un personnage de cabotin supposé charmer tout le monde avec ses pitreries. Un mec insupportable, incapable de ne pas être le centre d’attention de tout (sa famille, son théâtre), attention whore qui transforme le moindre repas familial en seul-en-scène à sa propre gloire, infoutu de respecter le déroulé d’un procès sans se gargariser de façon pathétique d’en être le héros. Une déification jamais remise en question. Ce n’est même plus un protagoniste, c’est un prétexte à la pâmoison pour tous les personnages secondaires, qui ne servent à rien d’autre que de venir souligner ce qui était déjà surligné dans le scénario : on n’a pas d’autre option au menu que d’admirer ce mec. Les rares réfractaires sont tournés en ridicule. Ah et ces derniers ne sont que des hommes bien sûr, car les femmes n’ont ici même pas le luxe de de tant de nuance.

Eduardo Scarpetta est un personnage de cabotin, interprété de façon non moins cabotine par Toni Servillo, embarrassant de surjeu mièvre à tel point qu’on lui filerait bien directement le razzie de la pire performance de l’année. Tolérer le protagoniste est une épreuve, tolérer cette double dose de jeu m’as-tu-vu est une torture. L’ambition artistique de Qui rido io se résume à vouloir illustrer de façon pittoresque, soit. Le problème n’est pas tant que le film est académique, c’est que cette non-remise en question délibérée de critères d’élégance et de dignité cinématographiques désuets épouse une autre ringardise, plus dangereuse: cette d’une médiocrité macho rance, claustrophobe et autosatisfaite. Pas de quoi rire.

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par Gregory Coutaut

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