RAISON ET SENTIMENTS

Le Japonais Ryusuke Hamaguchi (lire notre entretien) est l’une des principales révélations du cinéma mondial de ces dernières années. Ses deux derniers longs métrages, l’ambitieux film-fleuve Senses et le magnifique mélodrame Asako I&II ont brillé à la fois en festivals et dans les salles françaises. Cela fait pourtant dix ans que le cinéaste tourne : Passion est le premier long métrage de Hamaguchi, réalisé en 2008. Les succès de Senses et Asako ont certainement permis cette sortie tardive, ce qui nous rappelle que bon nombre de jeunes grands talents japonais ne parviennent pas jusqu’aux salles françaises.

Comment prendre soin des autres, et quelle place trouve t-on pour soi dans un tel questionnement ? C’est une réflexion qui sous-tend tout Senses et Asako, deux œuvres à l’humanisme complexe. On retrouve les prémices de cette réflexion dans Passion qui dissèque les rapports de plusieurs protagonistes, amants ou amis. « Dissèque » effectivement car dans ce film qui n’a pas peur de bavarder, Hamaguchi laisse une large place au théorique. De la même manière que Passion confronte la violence verbale à la violence physique, il finit par relier la théorie à l’émotion.

Ce sont des discussions nocturnes ou des discussions au petit matin. Il y a quelque chose de Cassavetes tandis qu’une rengaine musicale semble là pour nous bercer. Le film est une œuvre de jeunesse et cela se sent dans ces thématiques que le cinéaste explorera mieux et plus loin ensuite, dans ce récit qu’il mènera avec plus d’habileté plus tard. Mais Passion est gonflé, rehaussé dans sa dernière partie par une dimension romanesque qu’on n’avait pas anticipée.

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