Critique : Paris Calligrammes

En 1962, la jeune Ulrike Ottinger quitte l’Allemagne, dont elle ne supporte plus le climat politique, pour s’installer à Paris dans l’espoir de devenir artiste renommée. Elle suit les traces de ses héros Paul Celan, Max Ernst et Jean Arp qu’elle retrouve dans la librairie parisienne et germanophile de la rive gauche, Calligrammes, qui deviendra son foyer. Calligrammes sera aussi le havre de ses années de formation…

Paris Calligrammes
Allemagne, 2020
De Ulrike Ottinger

Durée : 2h09

Sortie : 14/10/2020

Note :

SOUS LE CIEL DE PARIS

Figure culte du cinéma underground, l’Allemande Ulrike Ottinger s’est distinguée avec des films tels que Freak Orlando (qui avait fait l’objet d’une projection à L’Etrange Festival il y a quelques années), Aller jamais retour ou Johanna D’Arc of Mongolia. Si elle reste assez méconnue de ce côté du Rhin, Paris Calligrammes permet de revenir sur son parcours et plus précisément ses années de formation. Jeune peintre, elle fréquente une librairie (qui donne son titre au film) fréquentée par les dadaïstes et surréalistes, les situationnistes et marxistes. Et en quittant l’Allemagne pour le Paris 60s, l’artiste Ottinger naît.

Il y a beaucoup de name-dropping dans Paris Calligrammes, qui semble regrouper tout ce que Paris a de chic et arty. Mais ce name-dropping, plus qu’une vanité, révèle surtout une effervescence culturelle – celle d’un lieu et d’une époque, mais aussi la soif galvanisante d’une jeune artiste qui veut tout découvrir. Ottinger écoute Barbara et Gréco, va voir Germaine Dulac et Glauber Rocha à la Cinémathèque, parle de Fernand Léger et de Murnau. L’art est partout et les images de films se substituent parfois à celles des souvenirs.

Paris Calligrammes n’est pourtant pas qu’une lisse carte postale (par ailleurs – idée géniale – narrée pour son exploitation française par Fanny Ardant). Dans son récit intime, Ottinger peut aller du Café de Flore aux bidonvilles aux abords de Paris, de la rue Champollion aux salons de coiffure à Château d’eau. Si les années 60 parisiennes sont l’occasion de traiter d’un contexte culturel, c’est aussi d’un contexte politique dont il est question. Ottinger revient sur l’histoire coloniale française, sur (et c’est un euphémisme) son gros malaise ; plus particulièrement sur la Guerre d’Algérie, et les massacres d’Algériens à Paris. C’est un attachant portrait d’Ottinger, intellectuellement stimulant, c’est aussi un portrait de la capitale et de la France que la cinéaste réussit. Elle qui cite avec pertinence les propos de Claude Levi-Strauss : « Pour comprendre sa propre culture, il faut apprendre à la regarder par le biais d’une autre culture ».

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par Nicolas Bardot

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