Berlinale | Critique : On vous croit

Aujourd’hui, Alice se retrouve devant un juge et n’a pas le droit à l’erreur. Elle doit défendre ses enfants, dont la garde est remise en cause. Pourra-t-elle les protéger de leur père avant qu’il ne soit trop tard ?

On vous croit
Belgique, 2025
De Charlotte Devillers & Arnaud Dufeys

Durée : 1h18

Sortie : prochainement

Note :

MA PAROLE

On vous croit n’a besoin que de quelques secondes à peine pour filer à vive allure et nous emporter. Un visage de mère essoufflée et en larmes, des enfants agités laissés entièrement hors champ et un format d’image carré qui resserre sec sur l’action composent ce qu’il convient d’appeler un démarrage canon. Parmi les nombreuses qualités de ce long métrage coréalisé par les Belges Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys (déjà repéré avec son court Un invincible été), le rythme est sans doute la plus spectaculaire. On vous croit est un huis clos sur une poignée de personnages qui parlent dans un bureau, mais c’est aussi un film d’action particulièrement haletant. Ce mélange, qui n’est paradoxal qu’en apparence, traverse déjà certaines des meilleures révélations récentes du cinéma belge francophone (Un monde, Julie se tait), mais Devillers et Dufeys accélèrent encore davantage la cadence des battements de cœur de leur film.

On vous croit, c’est une phrase qu’Alice et ses enfant brûlent d’entendre. Ils ont tous trois été convoqués au tribunal pour un face à face avec leur père. Aucun flashback ou dialogue trop explicatif ne vient nous donner d’explication superflue : passées quelques scènes brèves et tendues qui collent à la nervosité des trois protagonistes à fleur de peau, le bureau de la juge accueille enfin ces derniers avec leurs avocats puis se referme derrière eux. L’audience peut commencer et On vous croit va nous donner à la vivre en temps réel pendant près d’une heure. Une heure pendant laquelle chacun va donner son point de vue sur les faits dont est accusé le père, une heure où la froideur de la langue judiciaire va tenter de cohabiter avec l’urgence des émotions véhiculées. Une heure incroyablement vivante et dynamique, qui font de film l’une des plus fortes révélations de cette Berlinale.

Le mérite de la brillante réussite d’On vous croit est à répartir entre bien des sources. Croisée a plusieurs reprises chez les frères Dardenne, Myriem Akheddiou livre l’une des performances de l’année dans le rôle de cette mère en panique, toujours au bord de se noyer dans ses propres mots. La cohabitation d’acteurs professionnels et de véritables avocates, avec la variation de phrasés et de langages que cela implique, apporte une imprévisibilité supplémentaire à un scénario déjà riche en suspens. La finesse d’écriture d’On vous croit se reconnaît sans doute justement à ce dernier point : le film évite le mauvais goût de placer son suspens sur la question de la culpabilité du père ou sur la nature exacte des faits reprochés. La tension tourne toute entière autour de la parole, ou plutôt de l’écoute, car c’est surtout de cela dont il est question ici. En filmant autant, voire souvent davantage, qui reçoit la parole plutôt que qui la délivre, On vois croit met en scène autant qu’il écrit la plus angoissante des questions : qui m’écoute, et qui me croit ?

| Suivez Le Polyester sur BlueskyFacebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article