Oleg est ouvrier boucher. Il quitte la Lettonie pour Bruxelles, où il espère trouver un salaire décent. Trahi par un collègue, son expérience tourne court. Oleg est alors recueilli par un criminel polonais, avant de tomber sous son emprise mafieuse.
Oleg
Lettonie, 2019
De Juris Kursietis
Durée : 1h48
Sortie : 30/10/2019
Note :
UN HOMME A LA MER
« Je suis un éternel étranger » soupire Oleg, ballotté par-delà les frontières jusqu’au centre de l’Europe, en plein Bruxelles. Oleg vient de Lettonie, mais il appartient à une communauté Russe qui, suite à un dédale historique et administratif, s’est retrouvé privé de nationalité après l’indépendance du pays. Il n’existe pour ainsi dire même pas dans le pays où il est pourtant né. Comment quitter légalement un pays quand on n’a même pas de papier pour voyager ? Pour tenter de trouver sa place et tout simplement survivre, Oleg n’a que l’exil et la clandestinité.
« C’est une histoire pleine de dangers » nous prévient d’emblée une voix off. Le chemin de la libération est en effet semé d’embuches pour un innocent agneau prêt à être sacrifié comme dans le récit biblique. Placée en introduction, cette parabole maousse pourrait faire craindre que le parcours d’Oleg tourne au chemin de croix manichéen. Mais le film a bien plus de nuances que ça dans son sac. Oleg n’est pas un personnage-prétexte à la Tintin comme on en trouve dans trop de mauvais films sociaux. Émouvant dans son incapacité à interagir avec son environnement, ainsi que dans son désir de s’élever au-dessus de son invisibilité sociale, le personnage est porté par le charisme de son interprète Valentin Novopolskij.
Le récit est nerveux, parfois éprouvant dans son injustice, mais vogue sur une intranquillité enivrante, une ambiguïté qui prend chair dans le personnage d’Andrzej, grand méchant loup aussi séduisant que terrifiant. Outre le travail scénaristique, c’est la caméra qui d’emblée semble prendre sur elle de porter ce va-et-vient entre instabilité et désir d’élévation (lire notre entretien avec le réalisateur, Juris Kursietis). Jamais très loin d’Oleg (au point de parfois rendre flou le décor autour de lui), elle flotte légèrement au-dessus du sol, comme si elle titubait ou qu’elle était sur le point de s’envoler.
L’effet est saisissant, comme si l’on voyait Oleg se débattre depuis l’au-delà, ou depuis les yeux d’un ange gardien. Il se dégage d’Oleg une ivresse cruellement amère, mais où un vasistas serait toujours ouvert vers le ciel. Claustrophobe et pourtant déjà dans les airs, le film entier tangue sur cette ambivalence, comme une danse triste et fascinante.
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par Gregory Coutaut