Après 20 ans d’absence, Noriko retourne à Nagasaki pour vider la maison de sa mère. Elle trouve alors des lettres qui dévoilent un secret de famille entrelacé à la mémoire des habitant·e·s de la ville péninsulaire.
Okurimono
Canada, 2024
De Laurence Lévesque
Durée : 1h36
Sortie : –
Note :
SOUVENIRS CHIFFONNÉS
Une femme nommée Noriko vide la maison de sa mère décédée il y a des années, à Nagasaki. Elle retrouve des sacs en papier entassés, des photos de famille qu’elle tente de déchiffrer : où ces images ont-elles été prises ? De quand datent-elles ? Il y a dans chaque famille des secrets et des non-dits, mais ceux-ci prennent davantage de place chez Noriko – sa mère était une hibakusha. Hibakusha est un terme utilisé pour désigner les personnes affectées par la bombe atomique. « Maman nous ne disait jamais rien » indique la protagoniste, « elle ne voulait pas se souvenir » nuance-t-on. « Elle ne voulait pas parler » insiste-t-elle plus tard, tandis qu’une autre hibakusha lui répond : « elle ne pouvait pas ».
L’enquête, qui se dessine au fil des lettres que Noriko découvre, est nourrie par les multiples témoignages de survivant.e.s qu’elle retrouve aujourd’hui. Ce sont des paroles aussi terribles que précieuses car, des décennies plus tard, la mémoire s’émousse peu à peu. Le non-dit semble général : « on n’en parlait pas entre nous » indique une des personnes. Cette barbarie est effectivement indicible, et son nombre de victimes est sous-évalué. Cette mémoire est à célébrer, en lisant, en écoutant, ou en défilant dans la rue. La Canadienne Laurence Lévesque apporte beaucoup de soin à la ville et à sa place dans le cadre, à son architecture, aux maisons posées ici ou là, aux différentes perspectives sur la mer. Il n’y paraît rien, et pourtant les fantômes du passé sont ressuscités par les intervenant.e.s.
Okurimono, le titre de ce film dévoilé en première mondiale dans la compétition du Festival Visions du Réel, signifie don. Quel est le don en question, plus largement qu’est-ce qui est légué dans ce documentaire ? C’est ce qu’on retrouve caché dans une jolie boîte. C’est ce récit familial qui finalement éclot, des années plus tard. « C’est une histoire ancienne, mais pas si ancienne ». De la tragédie il reste aujourd’hui des poèmes, mais aussi de profondes blessures familiales. Si le film nous paraît parfois un peu trop enrobé (principalement par sa musique), Okurimono compose minutieusement un puissant devoir de mémoire en même temps qu’un émouvant portrait familial.
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par Nicolas Bardot