Berlinale | Critique : Oasis of Now

À Kuala Lumpur, une femme de ménage vietnamienne essaie de joindre les deux bouts, tout en retrouvant ponctuellement et en secret sa fille qui vit chez des voisins.

Oasis of Now
Malaisie, 2023
De Chia Chee Sum

Durée : 1h30

Sortie : –

Note :

PARADIS PERDU

Le complexe résidentiel dépeint dans Oasis of Now semble plongé dans une totale quiétude, et la principale mélodie que l’on entend est le doux chant des oiseaux. Une mère et une fille se retrouvent, mais pas dans une chambre, ni dans un salon ou auprès d’une balançoire. Elles sont assises dans les marches qui relient les différents appartements, comme si elles n’avaient pas de maison commune, comme si leur rencontre était clandestine. Les pièces du puzzle sont peu à peu assemblées par le Malaisien Chia Chee Sum (lire notre entretien) qui, pour son premier long métrage, privilégie la rétention d’informations.

La caméra pudique, comme si elle aussi était tenue au secret, ne filme pas nécessairement les protagonistes lorsqu’ils parlent. C’est parfois un plan sur des escaliers, un autre sur les pages d’un manuel scolaire tournées une à une, ou le recoin d’une cuisine. Le cœur de la ville semble loin, les lieux sont souvent vides, pourtant une présence fantomatique les habite. « Je pensais que tu étais retournée au Vietnam », adresse-t-on à la mère. Celle-ci est un peu partout et paraît invisible aux yeux des autres.

La violence n’est pas évidente dans Oasis of Now mais, avec sensibilité, Chia Chee Sum sait suggérer la précarité dans laquelle vit son héroïne. C’est ce qu’on devine, car la violence sociale ici ne suscite pas une colère visible, elle n’est pas un moteur pour un récit de survie spectaculaire et tendu. C’est ce contraste entre la brutalité du quotidien et la contemplation paisible qui donne à Oasis of Now un relief singulier. Le temps pourrait s’écouler ainsi pour toujours (et le film n’est d’ailleurs pas exempt d’une certaine aridité).

L’immeuble, ses couloirs et ses escaliers tracent des lignes horizontales et verticales dans le cadre, soulignant la manière dont les vies de chacun (la mère, la fille, les autres) sont compartimentées. La langue peut être une autre séparation : on entend du vietnamien, du cantonais, du mandarin, du malais. Les cicatrices finissent par se dévoiler, le secret du lien défait entre la mère et la fille se dénoue peu à peu – sans jamais trop en dire. Même la tendresse est quasi-silencieuse dans Oasis of Now. Cette retenue donne aux situations tragiques toute leur subtilité et leur ambivalence. Jusqu’à cette fin bouleversante, où le cinéaste parvient à émouvoir en filmant des pieds : le happy end auquel on croit assister est-il si heureux ?

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par Nicolas Bardot

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