Festival CPH:DOX | Critique : Nothing Compares

L’ascension phénoménale de l’iconoclaste Sinéad O’Connor vers la célébrité mondiale.

Nothing Compares
Irlande, 2022
De Kathryn Ferguson

Durée : 1h37

Sortie : –

Note :

FAITH AND COURAGE

Nothing Compares revient sur la carrière de la chanteuse irlandaise Sinéad O’Connor, en s’attardant particulièrement sur la période allant de 1987 (année de son excellent premier album, The Lion and the Cobra) à 1993, année où les controverses l’ont poussée à se retirer un temps du devant de la scène. Des images d’avant, il n’y en a presque pas et l’enfance d’O’Connor est illustrée par de brèves images de reconstitution (pas la partie la plus inspirée ou inspirante du film). Des images d’après, il n’y en a pas davantage. Il n’est ainsi jamais fait mention des problèmes de santé de la chanteuse. Si la voix d’O’Connor est omniprésente, racontant sa propre histoire en off, son visage ne se dévoile à qu’à la toute fin.

Nothing Compares est un documentaire à la forme tout à fait classique : extraits de clips et de passages télé internationaux, louanges de différentes héritières (Peaches, Skin, Kathleen Hanna), etc… Mais finalement, peu importe que le film ne révèle pas une personnalité incroyablement novatrice derrière la caméra, puisqu’il y en a une précisément dans son champ. Revisiter une histoire déjà connue par le prisme du présent, voilà l’entreprise de la réalisatrice. Lorsque O’Connor a explosé sur la scène mondiale, ce fut presque un malentendu. D’une part parce qu’elle n’en avait ni le look ni l’attitude, et encore moins l’envie, elle qui disait vouloir chanter en guise de thérapie, pour crier sa rage. D’autre part car à l’époque, le grand public n’employait pas encore des mots qui semblent rétrospectivement faits pour elle : non-binarité, féminisme intersectionnel, convergence des luttes.

On se rappelle tous de Nothing Compares to You, tube composé par Prince (et dont les ayant-droits n’ont ironiquement par autorisé l’utilisation dans ce film), mais il faut réécouter ses premiers albums pour se reprendre dans les oreilles l’avance qu’elle a eu sur son temps, musicalement (quelle chanteuse indé des années 90 ne lui doit rien ?) et politiquement. De même, les images d’elle déchirant une photo du pape à la télé américaine sont devenus encore plus connus que n’importe lequel de ses clips, mais il faut enfin revoir ce passage télé live dans son intégralité, comme c’est le cas ici, pour se reprendre dans la figure son audace de feu qui brûle encore aujourd’hui.

S’il n’y a pas d’images de l’avant ou de l’après, Nothing Compares propose plein d’images du pendant, et là encore il faut les revoir pour le croire. Le documentaire rappelle à quel point la démarche choc d’O’Connor était légitime et même logique car au-delà des tubes, la chanteuse menait une carrière d’activiste. Mais le film montre aussi le raz-de marée de violence absurde que cela a engendré dans les média de l’époque, notamment aux États-Unis : Frank Sinatra et Joe Pesci appelant publiquement à aller lui casser la gueule, des catholiques fiers de leur beauferie qui écrasent publiquement ses albums au rouleau compresseur… Ces scènes d’hystérie, les plus fortes du film, sont fascinantes dans ce qu’elles révèlent de la bêtise misogyne d’hier et de toujours. On ressort de ce documentaire avec la conviction que le monde entier doit d’abord un sacré respect mais surtout des excuses à Sinéad O’Connor.

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par Gregory Coutaut

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