A voir en ligne | Critique : Never Gonna Snow Again

Zenia, originaire d’Ukraine, est venu travailler en Pologne. Il est masseur et rend visite à ses clients à domicile, à Varsovie. Zenia est au courant de tous leurs problèmes, leurs angoisses et leurs secrets. Il devient peu à peu une sorte de gourou. La spiritualité de Zenia, ses pouvoirs de guérisseur et ses larges épaules font de lui un objet de convoitise pour bon nombre d’âmes perdues…

Never Gonna Snow Again
Ppologne, 2020
De Małgorzata Szumowska & Michał Englert

Durée : 1h55

Sortie : 17/04/2023 (sur Mubi)

Note :

TOUCH ME, TOUCH ME, I WANT TO FEEL YOUR BODY

L’imprévisible filmographie de la Polonaise Malgorzata Szumowska (qui co-réalise ici avec Michal Englert, son habituel directeur de la photographie) semble avoir pris un tournant différent depuis l’inédit Body, prix de la mise en scène à la Berlinale en 2015. Comme Body, Never Gonna Snow Again est un film qui ne rentre dans aucune case en termes de genre : c’est un drame mais c’est une comédie, c’est un récit social mais c’est une fable merveilleuse. Comme dans Mug, avec qui il partage une structure à la Théorème, on ne sait pas si le héros de Never Gonna Snow Again crée ou révèle la folie d’une communauté. Dans ses trois derniers films en tout cas, Szumowska fait en sorte qu’on ne sache jamais vraiment sur quel pied danser – et c’est une formidable qualité de cinéma.

Zenia est un masseur très courtisé. Son pouvoir est extraordinaire : que peut-il avoir dans les mains ? Zenia vient d’Ukraine, mais, comme le suggère la mystérieuse mise en place du film, il pourrait bien venir de Saturne. Les espaces sont filmés de manière onirique dans Never Gonna Snow Again : une rue pavillonnaire ressemble de nuit à un décor de SF, la forêt est fantastique, le sommet d’un building est un lieu hanté. L’usage sensible de la lumière dans le long métrage, qui fait quelques emprunts à Tarkovski, est assez prodigieux. C’est cette puissance formelle qui nourrit la vibration fantastique du film, cette bascule du réel aux visions surréelles, comme lorsque le film met en scène des promenades dans l’inconscient.

Never Gonna Snow Again se déroule dans un quartier résidentiel cossu qui ressemble à une version bourgeoise de l’enclave infernale de Vivarium. On voit venir la métaphore ? Le film n’est pourtant pas si simple. Never Gonna Snow Again est une œuvre qui présente plus de clefs qu’elle n’a de portes – ou a plus de portes qu’elle n’a de clefs. Les métaphores s’accumulent. Elles paraissent très lisibles un temps mais, au lieu de rendre le film de plus en plus didactique, elles le rendent de plus en plus mystérieux. De la suggestion surnaturelle au tour de magie kitsch, Szumowska et Englert varient les tonalités pour nous garder sur le qui-vive. Ce n’est ni de l’esbroufe ni de la surenchère : le titre laisse entendre une lecture écologique mais on ne peut pas mettre le doigt sur le sujet unique du film. Est-ce un drame fantastique sur Tchernobyl ? Un film politique sur les rapports de classe ? Une fable métaphysique sur la mémoire du corps ? Un drame social sur le malaise sociétal contemporain?  Plus de clefs que de portes effectivement, et c’est ce qui est aussi riche qu’excitant dans ce très beau long métrage.


>> Never Gonna Snow Again est disponible sur Mubi

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par Nicolas Bardot

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