Festival Visions du Réel | Critique : NA China

L’implantation de commerçant.e.s africain.e.s à Canton est un phénomène récent, dont Marie Voignier rend compte à travers les portraits croisés de Jackie, Julie, Shanny venues monter leur commerce sur place. Au milieu de l’accumulation monstrueuse des marchandises sur les marchés sans fin de la mégapole, le film suit ces entrepreneuses africaines aux prises avec l’économie globalisée chinoise.

NA China
France, 2020
De Marie Voignier

Durée : 1h11

Sortie : –

Note :

LA LOI DU MARCHÉ

Dans son étonnant L’Hypothèse du Mokélé M’Bembé, la Française Marie Voignier se penchait, au Cameroun, sur un mystérieux animal inconnu de la zoologie – est-il réel ou s’agit-il d’une créature mythologique ? Dans Tourisme international, la réalisatrice s’aventurait en Corée du Nord et observait le spectacle d’un pays qui contrôle et crée sa propre image, son propre imaginaire. NA China, dernier film de Voignier, qui figure en compétition à Visions du Réel, semble à l’opposé : c’est un portrait très concret d’une économie globalisée, où l’on parle yuan, dollar et euro, et où l’on croule sous les marchandises. Pas vraiment de place évidente pour l’imaginaire ou la bizarrerie a priori.

Il y a pourtant quelque chose de surprenant dans ce que Voignier filme. D’inédit déjà, puisque la question de la présence d’une communauté africaine en Chine (ici, à Guangzhou) est relativement nouvelle. L’une des intervenantes, présente en Chine depuis 2011, indique qu’elle était la seule Noire là où elle a fait ses études. Certains, dit-elle, voulaient la prendre en photo, d’autres voulaient la toucher. Mais dans l’économie globalisée, cette femme constitue t-elle encore une curiosité ? Les échanges (en chinois, en anglais) parlent essentiellement la langue de l’argent, qui permet de voyager de l’Afrique (Cameroun, Nigeria, Rwanda) à la Chine et aux usines du Bangladesh.

Parfois un peu trop long, NA China gagnerait peut-être à être plus dynamique mais il reste pourtant très vivant. Le film confronte de manière intéressante et pertinente l’individu à un système monstre. Voignier porte un regard frais et inattendu, donne à voir quelque chose qu’on ne voit jamais. Et dans ce déracinement déroutant, la cinéaste saisit une sorte d’utopie à la fois curieuse et contemporaine.

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par Nicolas Bardot

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