Festival Visions du Réel | Critique : My Memory Is Full of Ghosts

My Memory Is Full of Ghosts explore une réalité écrasée entre passé, présent et avenir à Homs, en Syrie. Derrière l’autoportrait d’une population exsangue en quête de normalité, surgissent les souvenirs de la ville, hantée par la destruction, la défiguration et la perte.

My Memory Is Full of Ghosts
Syrie, 2024
De Anas Zawahri

Durée : 1h16

Sortie : –

Note :

FANTÔMES A DOMICILE

Très tôt dans My Memory is Full of Ghosts, des immeubles éventrés occupent pratiquement tout le cadre. La vie et le temps semblent s’être arrêtés dans ces lieux visiblement inoccupés et où ne restent que les spectres des victimes de la guerre. Pourtant, petit à petit, des piétons font leur apparition et marchent dans la rue, tandis que des voitures sillonnent les routes là où quelques instants auparavant on aurait juré voir une image définitivement figée. Mais comment vit-on dans une ville traumatisée comme Homs, se demande le Syrien Anas Zawahri dans son documentaire My Memory is Full of Ghosts, dévoilé en compétition au Festival Visions du Réel ?

« Les fantômes ont rempli ma mémoire » : ce message est mis en exergue, et donne son titre au film. Zawahri filme les personnes qui habitent là : celles qui font le marché ou les enfants qui jouent. « La vie sociale est à l’agonie » assure pourtant un intervenant. Anas Zawahri apporte une attention particulière aux actions quotidiennes des protagonistes tandis que l’on entend leurs témoignages – les voix posées sur ces personnes qui ne nous parlent pas donnent le sentiment d’être plongé dans leurs pensées, dans ce qui est indicible, créant ainsi un lien de sensible intimité.

Les récits sont terribles et dès lors se posent de nombreuses questions : que fait-on de sa peur ? De sa solitude ? Comment honorer les morts dans des situations sans dignité ? Comment résoudre le conflit intérieur de vivre dans une ville adorée mais dans laquelle on ne peut plus vivre ? La mémoire est remplie de fantômes, la ville aussi : les souvenirs sont étroitement liés aux lieux, les contrastes entre les grandes ruines et un chat minuscule posé là sont éloquents, tandis qu’on ne peut plus que deviner la beauté de tel ou tel endroit scarifié. Ce film hanté dépeint la dévastation de la guerre mais aussi les forces vitales péniblement débout, prêtes à vaciller.

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par Nicolas Bardot

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