Après une mission qui a mal tourné, un tueur à gages taïwanais part se terrer dans une petite ville japonaise et s’y découvre des talents insoupçonnés…
Mr Long
Japon, 2017
De Sabu
Durée : 2h01
Sortie : –
Note :
MÉLODIE POUR UN TUEUR
Insaisissable Sabu : alors que le cinéaste japonais tourne depuis le milieu des années 90, on a essentiellement commencé à le connaître en France avec son formidable Miss Zombie, film d’horreur politique tourné en noir et blanc. A ce long métrage a succédé son opposé, Chasuke’s Journey, une fantaisie romantique gorgée de couleurs. Mr Long, sa nouvelle création, change à nouveau de registre – et à vrai dire, change même de registre… en plein film.
Mr Long débute comme un polar nocturne autour d’un tueur à gages aussi félin que fantomatique (Chang Chen, idéal). Sabu saisit la vie nocturne et son grondement : les enseignes qui scintillent dans le noir, le crépitement de la street food, les sous-sols obscurs ou encore un club olé-olé qui semble échappé du R100 de Hitoshi Matsumoto. La musique planante contribue à une délicieuse atmosphère en plein trip et qui nimbe le polar d’un certain onirisme. En conférence de presse, Sabu a commenté que ses scénarios étaient d’abord écrits « avec des images ». Cela se sent : il y a une force picturale dans le récit, une façon de faire avancer l’action par l’image plus que par le commentaire, et les dialogues sont souvent réduits à leur plus strict nécessaire – voila qui renforce ici la tension comme le mystère du long métrage.
Celui-ci n’a pas peur de dérouter. Sa violence gicle à l’écran, mais elle n’est jamais tonitruante. Les combats sont tranchants comme la plus aiguisée des lames, et pourtant il règne une certaine douceur même dans les effusions les plus sanglantes. Ce n’est pas la seule surprise d’un long métrage à la construction audacieuse, qui rembobine pour changer de point de vue en plein récit. Et qui, plus tard, change de style, glisse d’un film à l’autre. Pour caricaturer, c’est un peu comme si l’on passait d’un film de yakuza signé Kitano aux Délices de Tokyo de Naomi Kawase. On n’avait pas vu venir cette tendre bienveillance ; elle offre au film une certaine grâce : Mr Long est aussi un mélodrame sentimental sur la vie quotidienne qui s’écoule dans l’antispectaculaire.
Pourquoi choisir ? Le film slalome avec une certaine fluidité, et il n’y a guère que sa naïveté qui peut faire naître ici ou là quelques réserves. Sa générosité est une force : dans sa façon d’investir le polar avec sérieux et élégance, dans ses touches de comédie clownesque, dans son über-mélodrame – le film vise tout le temps grand. Et réussit la plupart du temps.
>>> Mr Long est visible librement jusqu’au 31 août 2020 sur le replay d’Arte
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par Nicolas Bardot