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Julia, 40 ans, chef d’orchestre à succès, et son compagnon Georg se languissent d’un enfant lorsque le Dr Vilfort, spécialiste de la fertilité dans une clinique privée, leur offre de l’espoir avec une procédure expérimentale. Julia tombe enceinte après un traitement réussi à la clinique. Cependant, l’accouchement ne se passe pas comme prévu et le bébé est immédiatement emmené pour un traitement supplémentaire, laissant Julia et son mari dans l’ignorance de ce qui s’est passé.
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Mother’s Baby
Autriche, 2025
De Johanna Moder
Durée : 1h47
Sortie : –
Note :
ALLÔ BÉBÉ ICI MAMAN
Julia et Georg sont dans une attraction à sensations dans une fête foraine – s’y envoyer en l’air est aussi excitant qu’effrayant. Le couple expérimente les mêmes sentiments sur la terre ferme, alors que Julia s’apprête à mettre au monde leur bébé tant attendu. La réalisatrice autrichienne Johanna Moder n’a pas peur des archétypes dans ce film aux ingrédients classiques sur la maternité (ainsi que sur tout l’imaginaire paranoïaque et menaçant qui y est lié, dans la vie comme au cinéma).
Qu’avez-vous fait à mon bébé ? L’étincelle du doute chez Julia devient un gouffre lorsque celle-ci soupçonne que, définitivement, quelque chose cloche. Dans le cinéma fantastique ou horrifique, on loue souvent la maestria d’une mise en scène ou les surprises d’un scénario malin, mais l’une des clefs du succès est l’interprétation. On croit au trouble de Mia Farrow car Mia Farrow y croit. On croit à l’horreur dont est témoin Ellen Burstyn car Ellen Burstyn y croit aussi. De la même manière, l’Allemande Marie Leuenberger, au jeu dénué d’artifices, nous fait croire à ses doutes car elle y croit elle-même dur comme fer.
De manière surprenante et avec une ironie certaine, Johanna Moder et son coscénariste Arne Kohlweyer parviennent à nous convaincre que quelque chose ne va pas en faisant répéter à leurs personnages « tout va bien » comme un mantra. Tout va bien devient la phrase la plus angoissante du film et voilà un excitant pari scénaristique : créer de la tension et de l’inquiétude alors que rien d’explicitement anxiogène n’arrive à l’écran (à part, excusez du peu, le fait d’être mère). Les péripéties sont quasi absentes, il règne un profond silence – c’est précisément dans la retenue dramatique et dans le silence que Moder laisse rentrer toutes les questions et angoisses.
Si être mère éveille 1001 doutes chez Julia, la première concernée, le sujet est un non-sujet pour la quasi-intégralité de son entourage. C’est là que Mother’s Baby se raccroche à un drame tout ce qu’il y a de plus réaliste : tout le monde a son mot à dire, tout le monde a un droit de regard, et Julia peut, avec condescendance, être évoquée à la troisième personne même en sa présence. Plus qu’un thriller médical, Mother’s Baby est aussi un drame féministe sur le gaslighting.
Tôt dans le film, l’accouchement est filmé à l’aide d’un travelling circulaire. C’est étourdissant, mais c’est aussi un cercle formé sur son sujet, qui ne devrait laisser aucun doute. Johanna Moder fissure ce cercle parfait avec habileté – mais aussi avec générosité. Le dénouement spectaculaire qui pioche dans des sous-genres moins respectés ne sera peut-être pas au goût de tout le monde – tant mieux : c’est là l’un des délices d’un film qui, programmatique sur le papier, parvient finalement à nous emmener avec efficacité là où il le désire.
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par Nicolas Bardot