Festival Biarritz Amérique Latine | Critique : Mostro

Après la disparition d’Alexandra, Lucas doit faire face à la réalité absurde d’un système corrompu.

Mostro
Mexique, 2021
De José Pablo Escamilla

Durée : 1h15

Sortie : –

Note :

COMA D’AMOUR

La ville où se déroule Mostro ne semble composée que d’entrepôts isolés et d’échangeurs d’autoroute tentaculaires. Dans ce désert urbain, Lucas et Alexandra ont pourtant créé un coin de paradis où s’aimer et se droguer loin des adultes, nichés dans une vieille carcasse sur un terrain vague paumé. Cela pourrait donner lieu à une chape de plomb glauque mais le cinéaste mexicain José Pablo Escamilla, dont Mostro est le premier long métrage, fait déjà preuve d’un talent narratif qui emmène le film sur un terrain inattendu, un terrain aussi secret que la cachette des jeunes protagonistes. Rien que par son travail sur l’image, cet amour adolescent possède d’emblée les vibrations particulière d’un rêve irréel.

Comme bercé par le simili-conte de fées qu’il est en train de vivre, ou bien par les drogues inhalées, Lucas s’endort. Lorsqu’il se réveille en sursaut, Alexandra a disparu dans un cri, sans explication. Lucas se met alors à la chercher partout, allant voir les parents, la police, sans qu’on sache très bien si cette enquête ivre et sans réponse s’étale sur une après-midi, un mois ou plus encore. Face à cette désintoxication forcée, Lucas est comme figé de stupeur, mais autour de lui le film change de peau, comme s’il était lui-même pris en pleine gueule de bois, dans le spleen terne et rêveur d’une redescente au ralenti.

La deuxième partie de Mostro est d’une âpreté qui menace parfois d’engloutir tout le reste, ou bien de stagner autant que son héros stupéfait. Si le film respire, c’est là encore grâce a un étonnant traitement visuel aux effets dispersés mais immersifs : fish eye, caméra subjective, changement de format, visions stroboscopiques. Les questions que le scénario laisse volontairement en suspens (Alexandra a-t-elle été enlevée par des flics ? des extraterrestres ? Sa disparition n’est-elle qu’une métaphore ?), la caméra de José Pablo Escamilla vient y répondre à sa manière : en s’affairant autour des personnages et en se faufilant dans des espaces exigus comme si elle voulait capter une absence invisible, ramener quelque chose de perdu dans les interstices du monde. Au-delà de ses austères apparences, Mostro parvient à donner ainsi chair à un profond et précieux sentiment de mélancolie.

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par Gregory Coutaut

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