En Chine, une nouvelle industrie a émergé pour aider les couples à rester mariés face à l’infidélité. Wang Zhenxi fait partie de cette profession en pleine croissance, une « maîtresse dissipatrice » qui est embauchée pour maintenir les liens du mariage – et rompre les liaisons – par tous les moyens nécessaires.
Mistress Dispeller
Chine, 2024
D’Elizabeth Lo
Durée : 1h34
Sortie : –
Note :
MAÎTRESSE MAÎTRESSE
Le mari, la femme, la maitresse. Un tableau de famille bien connu. Heureusement, ce documentaire signé de la cinéaste américaine Elizabeth Lo n’est pas aussi prévisible qu’un triangle amoureux classique. La situation qu’elle filme ici a même de quoi susciter une sacrée surprise chez les spectateurs occidentaux. En Chine, il est en effet possible d’engager officiellement une mistress dispeller (la traduction « repousse-maitresse » n’est sans doute pas très heureuse mais l’idée est celle-là), une femme dont le travail consiste à accompagner de près les couples pour les ressouder, tout en convainquant la maitresse de se retirer. Sans donner de contexte (ce qui est d’ailleurs un peu frustrant) quant à l’origine ou les usages de ce job pas comme les autres, Lo chronique la mission d’une de ces femmes, du moment où elle en engagée par une épouse trompée jusqu’au jour où la liaison extraconjugale touche à sa fin.
Wang Zhenxi est donc une mistress dispeller. C’est-à-dire qu’elle est à la fois détective (elle doit retrouver l’identité de la maitresse, se présenter à cette dernière et au mari sous une fausse identité dans un premier temps afin de gagner leur confiance) et thérapeute (elle accompagne chacune des personnes concernées dans leur quotidien le plus intime, jusqu’à ce qu’ils prennent d’eux-mêmes la décision juste). Cela pourrait être le résumé d’une comédie riche en règlements de compte et quiproquos, mais Elizabeth Lo nous invite à rapidement faire fi de l’absurdité apparente de la situation. C’est au contraire un sentiment inattendu de mélancolie qui se déploie ici à mesure que l’enquête maritale dévoile la solitude de chacun, à mesure que l’intransigeance des débuts (« c’est comme une guerre, on gagne tout ou on perd tout ») laisse place à des compromis doux-amers et touchants.
Le générique de début précise que nul n’a ici été filmé contre son gré. De fait, Mistress Dispeller ne ressemble jamais à un épisode brut de caméra cachée, quitte a flirter parfois avec l’excès inverse : à force de jolies images de nature et d’airs d’opéras relaxants, la mise en scène est par moments bien lisse. C’est que Lo vise l’accessibilité avant tout et qu’elle fait le choix éditorial de privilégier tout simplement l’universalité des sentiments humains à l’analyse des rapports économiques dans la société chinoise. Sur ce plan, Mistress Dispeller laisse quelques questions sans réponse, mais la réussite de son immersion est telle que ce documentaire ressemble tout le temps à une fiction.
| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |
par Gregory Coutaut