Amy, 11 ans, rencontre un groupe de danseuses appelé : « Les Mignonnes ». Fascinée, elle s’initie à une danse sensuelle, dans l’espoir d’intégrer leur bande et de fuir un bouleversement familial…
Mignonnes
France, 2020
De Maimouna Doucouré
Durée : 1h35
Sortie : 19/08/2020
Note :
A CORPS RETROUVÉ
On pourrait presque résumer Mignonnes à une courte scène, fugace et finement écrite : sans vraiment y mettre du sien, Amy essaie une jolie robe traditionnelle pour un mariage. Malgré sa bienveillance, sa mère a des geste trop impatients. L’essayage tourne à l’épreuve de force, la robe devient comme trop étroite, le corps d’Amy résiste et veut reprendre sa respiration, prêt à bondir. A onze ans, Amy a un avenir déjà tracé pour elle, les décisions sont déjà prises à sa place par un entourage aux traditions pesantes, et pour qui apprendre la dignité et la féminité signifie accepter la douleur sans se plaindre.
Les mignonnes du titre, ce sont quelques camarades de classe d’Amy qui n’en font qu’à leur tête. Elles s’habillent très court, filment les mecs à leur insu dans les toilettes du collège pour se marrer et surtout dansent de façon très suggestive pour leur âge. L’appel d’air de la rébellion est irrésistible pour Amy, et en les rejoignant, elle se lance à corps perdu dans ce qui ressemble tantôt à des bêtises de gamines sans conséquences, tantôt à de vrais problèmes d’ados. Dans la rue, un tag disant « Où sont les femmes ? » prend alors des airs d’oracle étrange. Faut-il en rire ou s’en inquiéter?
Il faut dire que le réalisme selon Maïmouna Doucouré (lauréate du César du court métrage en 2017, ex-aequo avec Alice Diop), n’est pas qu’une simple photocopie du réel. S’il passe par quelques archétypes obligatoires (un face-à-face avec des vigiles, pas la scène la plus subtile du film), il inclut un sens du merveilleux propre à l’enfance. Mignonnes est parfois cruel et effrayant comme peuvent l’être les contes de fées. Comme chez Barbe-bleue, il y a dans l’appartement d’Amy des portes qu’il vaut mieux ne pas ouvrir. On peut y croiser une robe fantôme, du sang (métaphorique?) et même une authentique sorcière, interprétée avec moult charisme par Mbissine Thérèse Diop, actrice de La Noire de… d’Ousmane Sembène.
Avec énergie et beaucoup de bienveillance, et à grand renfort de couleurs vives, Doucouré interroge l’absurdité de cet entre-deux où se trouvent ses jeunes héroïnes, pré-ados dans des tenues d’adultes trop sexy pour elles, fillettes à qui l’on reproche et impose à la fois de se comporter déjà comme des femmes. Plus qu’un récit apprentissage, Mignonnes est un galvanisant récit de désapprentissage.
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par Gregory Coutaut