Début 2000, c’est la crise économique en Asie. Au Vietnam, pour faire face à cette crise et limiter la surpopulation, des programmes de stérilisation volontaire pour les hommes sont développés par l’État. Vu, 20 ans, vient d’arriver à Saigon pour étudier la photographie. Il loue une chambre dans une maison au bord du fleuve partagée avec Thang, serveur dans une boite de nuit et petit dealer, et Cuong chanteur de rue. Vu est attiré par son colocataire, Thang, qu’il accompagne des qu’il le peut. Avec lui, il découvre le monde de la nuit et une jeunesse rebelle en rupture avec les règles sociales et morales…
Mekong Stories
Vietnam, 2015
De Phan Dang Di
Durée : 1h40
Sortie : 20/04/2016
Note :
COMME UNE IMAGE
Le premier plan de Mekong Stories superpose des habitations de fortune au bord du fleuve et, derrière elles, les grands buildings de la ville lancés vers le ciel. C’est l’heure des choix pour Vu, aspirant-photographe qui va apprendre à poser son regard ailleurs que sur son simple quotidien. Son récit d’apprentissage ira bien plus loin que celui de la photographie.
On observait (et apprenait) déjà beaucoup dans Bi, n’aie pas peur !, la première réalisation du Vietnamien Phan Dang Di. Le jeune cinéaste fait mieux que confirmer avec ce nouveau film, sélectionné en compétition de la Berlinale. Visuellement superbe, plus ample que son premier essai réussi mais modeste, Mekong Stories approfondit des thèmes abordés dans Bi. Le « N’aie pas peur ! » du précédent long métrage pourrait être adressé au jeune héros de Mekong Stories. Effacé, chétif, caché derrière son objectif, il ne ressemble pas aux autres hommes qu’on voit dans le long métrage, aussi décidés que baraqués.
Dans Bi, Phan Dang Di faisait le portrait d’une société dont les clefs étaient détenues par les femmes. Celles-ci, peu considérées par les hommes, n’ont pas forcément le bon rôle dans Mekong Stories. Mais encore une fois, Phan Dang Di peint un monde où la masculinité va souvent de pair avec la brutalité : règlements de compte, père prêt à envoyer son fils à la noyade, reporter qui gifle à tout-va… le combat de coqs qu’on aperçoit dans la nature semble être un combat de coqs permanent chez les hommes.
Cette brutalité ne facilite évidemment pas l’éveil sentimental et contrarié de Vu. Tout semble pourtant presque possible dans ce quotidien extrêmement sensoriel, au bord de la fantasmagorie, dans l’inconscient de la jungle ou camouflé par la boue – un motif qui succède à celui de l’eau omniprésente dans Bi. Le cinéaste, admirateur de Tsai Ming-Liang, a un vrai talent pour évoquer la violence (physique ou sociale) tout en étant doux et bienveillant – il y a parfois un peu de magie dans ce réel, un burlesque discret, et toujours cette grande sensualité qui rendent son cinéma très vivant.
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par Nicolas Bardot