Festival de La Roche-sur-Yon | Critique : Mayday

Ana se retrouve sur une terre onirique et dangereuse où elle rejoint une armée de filles engagées dans une guerre sans fin…

Mayday
États-Unis, 2021
De Karen Cinorre

Durée : 1h40

Sortie : –

Note :

A TRAVERS LE MIROIR

Premier long métrage de l’Américaine Karen Cinorre (lire notre entretien), Mayday est dévoilé en même temps dans compétition indé plutôt classique de Sundance et en compétition au Festival de Rotterdam, dédiée aux jeunes talents pointus du cinéma d’auteur. C’est un grand écart qui correspond tout à fait au film assez inclassable de Cinorre qui séduit d’abord par son refus de rentrer sagement dans une case. C’est un film de guerre et une aventure adolescente, c’est une comédie loufoque et un drame sérieux ; cette manière de ne jamais avoir les deux pieds dans le même genre nourrit naturellement la singularité du film.

Mayday, récit d’empowerment féministe, semble être un vrai film de maintenant. Mais là encore, méfions-nous des étiquettes réductrices : Cinorre voit plus loin qu’un féminisme de badge. Là encore, le ton est ambivalent, la guerre des sexes ici racontée est à la fois parfaitement littérale et complètement métaphorique. Finalement, dans cette dimension parallèle et onirique où se développe l’histoire, les hommes sont assez lointains – ce sont d’ailleurs plutôt des garçons inoffensifs qui dansent sur du Liberace plus qu’ils n’écoutent du métal d’incel. Mayday traite avant tout de filles entre elles.

Dans Mayday, on se prépare à un conflit dans un lieu où la menace peut surgir n’importe où. Quelle place Ana, plongée dans ce monde telle Alice traversant le miroir, peut-elle se trouver ? Si Mayday parle de violence faite aux jeunes femmes, il parle aussi de la responsabilité écrasante qu’on fait peser sur leurs épaules tandis que, dans le film, les hommes maltraitent, les garçons s’amusent et personne parmi eux ne souffrent d’une telle charge. Cinorre décrit un groupe féminin disparate, cela peut être ici une bonne copine, là Mia Goth qui est lookée comme Charlize Theron dans Monster. La complexité des dynamiques observées dans Mayday rend service au long métrage qui ne se limite pas à un film-slogan opportuniste.

C’est aussi, au-delà de son propos, un beau début prometteur de cinéma. La deuxième moitié du film est probablement plus laborieuse, Mayday brille davantage dans sa mise en place que dans son développement. Mais il y a aussi ici un saut dans le vide, l’expression d’une atmosphère orageuse, de grands horizons ouverts sur des cieux de vanille, un sens de l’énigme, une qualité rêveuse qui, malgré les défauts de ce premier essai, donnent envie de voir davantage de ce que Karen Cinorre peut offrir.

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par Nicolas Bardot

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