Critique : Maria

La vie de la plus grande chanteuse d’opéra du monde, Maria Callas, lors de ses derniers jours, en 1977, à Paris.

Maria
Italie, 2024
De Pablo Larraín

Durée : 2h03

Sortie : 05/02/2025

Note :

LA VIE PASSERA COMME UN RÊVE

Si sa filmographie a débuté en plein Chili, filmant avec la même intransigeance les recoins sombres de ses paysages que de son Histoire, Pablo Larraín a depuis plusieurs années fait voyager loin son cinéma, des palais anglais de Lady Di (Spencer) aux mondes parallèles de Stephen King (Lisey’s Story). La liste des noms au générique de début de ce nouveau film est déjà un petit tour du monde : signé d’un cinéaste chilien, ce récit des années parisiennes de la plus grande star grecque est produit par l’Allemande Maren Ade et interprété par l’Américaine Angelina Jolie et le duo italien Pierfrancesco Favino et Alba Rohrwacher. Cette recette pourrait faire craindre un fourre-z-y tout étouffant (il y a quelques décennies, on aurait parlé d’Europudding), pourtant il n’en est rien. Elle pourrait faire redouter le toc, pourtant… pourquoi se méfier de l’artifice ?

Des artifices, il y en a déjà plein dans la vie de Maria, puisque le titre du film nous invite à l’appeler par son prénom (comme Jackie mais à l’inverse de Spencer, les deux premiers volets de la trilogie d’héroïnes de Larraín). Son appartement ressemble à la fois à une loge de diva, à un musée curaté avec goût et à un manoir prêt à devenir hanté. L’artifice est aussi dans sa tête : arrivé au soir de son succès, vivant presque recluse, Maria s’apprête à donner un entretien fleuve. Les souvenirs se bousculent, rêve et réalité s’entremêlent et le scénario prend la forme d’une valse allant et venant entre les époques, le noir et blanc et la couleur.

Quitte à prendre le risque de flirter avec une beauté bourgeoise (ça n’y va pas de main morte sur la lumière dorée d’automne), Larraín utilise l’artifice comme un véritable élément narratif. Le toc est au cœur de ce portrait et pourtant, cela ne l’empêche en rien d’être sincère, fidèle, touchant. A ce titre, on peut reconnaitre à Pablo Larraín d’être l’un des rares cinéastes a priori hétéro à mieux comprendre et maitriser ce qu’est le camp. Pas le camp au sens du décalage farfelu (quoique le mouvement de caméra dévoilant la tête de lit absolument géante a l’air d’un gag à lui tout seul), mais celui d’un double regard. Le camp comme la réunion d’une imitation admirative et d’un commentaire dans un seul et même geste. Au moment de composer le chatoyant et malin Les Proies, Sofia Coppola disait avoir pensé spécifiquement à ses amis gays. On avoue se demander si Larraín a été traversé d’une pensée similaire au moment de composer sa trilogie de divas aux belles manières artistiques, et plus spécifiquement encore avec ce dernier volet.

Quoi qu’il en soit, la richesse des niveaux de lecture de ce portrait ne doit pas faire oublier un élément central qui lui, n’a rien de toc. Angelina Jolie trouve dans les différentes facettes de cette icône le rôle de sa vie, poussant l’implication artistique jusqu’à refuser le play-back et chanter elle-même. L’excellence de son interprétation en fait le point d’ancrage de ce film qui combine le vertige d’un film de fantômes et la charmante claustrophobie d’une boite à bijoux. Quand Callas/Jolie demande à son interlocuteur avec une fausse innocence « pardon, j’étais censée ressentir quelque chose ? », on a envie de lui répondre avec un enthousiasme reconnaissant que nous avons tout ressenti face à ce film.

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par Gregory Coutaut

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