«M» comme Menahem, enfant prodige à la voix d’or, abusé par des membres de sa communauté qui l’adulait. Quinze ans après il revient à la recherche des coupables, dans son quartier natal de Bnei Brak, capitale mondiale des Juifs ultra-orthodoxes. Mais c’est aussi le retour dans un monde qu’il a tant aimé, dans un chemin où la parole se libère… une réconciliation.
M
France, 2018
De Yolande Zauberman
Durée : 1h46
Sortie : 20/03/2019
Note :
LE CŒUR DES HOMMES
Un titre court, mais un film qui en dit long. Filmé entièrement de nuit, comme en catimini, M pourrait être l’histoire d’un secret. Celui de Menahem, qui à l’âge de sept ans fut prostitué par son rabbin et violé par plusieurs hommes de sa communauté. Sauf que cette histoire n’est plus secrète. Menahem a d’ailleurs été obligé de fuir sa ville il y a plusieurs années face aux menaces de représailles qu’avaient suscité ces accusations publiques. Aujourd’hui, Menahem revient et ne veut plus se cacher. Afin de ne plus plus rester « enfermé » dans cette histoire, il recherche la liberté, c’est à dire le dialogue avec l’un de ses agresseurs.
Avec un tel postulat, M aurait pu se faire le témoin d’un règlement de compte, de l’affrontement de deux personnes liées par ce crime sordide. Mais la confrontation en question se dérobe, et le cœur du film se révèle rapidement être ailleurs. Un cœur bien plus chaleureux et battant qu’on aurait pu le croire. Lui même toujours souriant et chantant volontiers dans la rue, Menahem attire la sympathie des gens qu’il croise. M est un film à son image, lumineux et vivant en dépit du poids du traumatisme. Au sein de sa communauté, il rencontre une fraternité inespérée, qui pousse tous ces hommes au dialogue et à la confession. Du rôle de parleur, Menahem passe à celui de passeur, de confesseur.
M dévoile alors une mosaïque complexe de violence et de frustration (certaines surmontées, d’autres non), mais il dévoile quelque chose de plus stupéfiant encore. Comment Yolande Zauberman a-t-telle fait pour aller filmer dans certains lieux habituellement réservés aux hommes? Elle pousse des portes qu’on imaginait interdites, et pourtant, à l’image, c’est comme si personne ne la remarquait. Au sens propre comme au figuré, Zauberman nous donne à voir un monde masculin secret, celui de l’intimité du corps, celui du traumatisme intime, du tabou de la vulnérabilité sexuelle. Du jamais entendu ou presque, qu’elle capte pourtant sans jamais forcer, avec une douceur incroyable. Voilà la véritable histoire secrète du film.
| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |
par Gregory Coutaut