Johannes, un homme avec le cœur d’un enfant, vit isolé dans une cabane au cœur des Alpes avec sa mère. La vie quotidienne est régie par la prière et les rituels. Mais soudain, la modernité s’immisce dans leur monde où règnent nature et culte divin. Un projet touristique menace d’empoisonner leur paradis et de réveiller le diable…
Luzifer
Autriche, 2021
De Peter Brunner
Durée : 1h42
Sortie : 25/04/2022 (Mubi)
Note :
LA MONTAGNE SACRÉE
Au début de Luzifer, la caméra balaie une nature majestueuse et pourtant la musique dissonante ressemble à un avertissement. Par son talent d’écriture et de mise en scène, l’Autrichien Peter Brunner installe son histoire, ses protagonistes et son décor en quelques scènes courtes. Ces petites touches composent peu à peu une image plus grande et difficile à anticiper. Il y a un évident mystère dans ce long métrage, un climat étrange dans cet éden aux nuages roses.
En racontant cette histoire vraie, Brunner donne au réel une tension fantastique… sans que le film ne soit jamais véritablement un film fantastique. C’est une question de regard : celui du héros qui se demande où le Mal peut-il bien se nicher, le nôtre pour nous qui voyons surgir des drones filmés comme des démons dans le décor. Il y a la figure de la sorcière, il y a ces échos assez nets à la folk horror. Mais cette sorcière n’est-elle pas qu’une fermière punk ? Ces drones ont-ils vraiment quoi que ce soit de surnaturel ?
Cette stimulante hésitation nourrit le film et ses paradoxes. Luzifer ressemble à un huis-clos mais celui-ci est filmé dans des paysages immenses. La nature bienveillante, menacée par un projet de construction touristique, est également source d’inquiétude : lorsque Brunner fait un raccord entre l’oreille du héros et le relief étrange d’une montagne, lorsque une grotte semble déborder de secrets. Les superstitions et les rituels apportent ici une ambivalence au réel et à ce que l’on voit.
On craint un moment que le film ne tourne en rond, mais le cinéaste a de la ressource. Le jusqu’au boutisme grotesque fait qu’on ne sait plus quoi penser ou ressentir devant ce qui se passe. Cette façon de déstabiliser le spectateur, quitte à en perdre quelques-uns en route, paye. Cela donne même des dimensions et une richesse supplémentaires au long métrage : est-ce une fable environnementale, est-ce une quête spirituelle, est-ce un jeu de massacre aux portes du camp ? De plus en plus fou, Luzifer n’est pas en roue libre pour autant : formidable et gonflé, le film finit par nous avaler comme la nature gigantesque avale les personnages.
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par Nicolas Bardot