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Lucia, 16 ans, introvertie, rejoint la chorale de filles de son école catholique, où elle se lie d’amitié avec Ana-Maria, une étudiante de troisième année populaire et séduisante. Au cours d’une retraite d’un week-end dans un couvent de campagne isolé, les répétitions s’intensifient et les choses se compliquent pour Lucia.
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Little Trouble Girls
Slovénie, 2025
De Urška Djukić
Durée : 1h29
Sortie : –
Note :
JE VEUX DONNER MA VOIX
Il y a des enterrements de vie de jeune filles ; Little Trouble Girls (dont le titre est emprunté à Sonic Youth) ressemble plutôt à un baptême de vie de jeune fille. Lucia a seize ans mais ressemble encore davantage à une grande enfant qu’à une jeune femme. Là où ses camarades portent fièrement du rouge à lèvres et répondent au prof, elle reste dans sa sage bulle de timidité. L’apprentissage qui l’attend n’a pourtant a priori rien d’une épreuve. Ce serait presque plutôt une mise en appétit. Celui-ci va avoir lieu au cœur d’un très joli coin fleuri de la campagne slovène, dans un monastère au cloître paisible et endormi, comme sorti d’un conte. Lucia n’est pas en classe verte, elle fait partie d’une chorale catholique venue répéter leur chant collectif pour un futur concours. Et s’il y a bien une chose qui est primordiale pour une chorale : c’est l’harmonie. Autant dire une forme de conformisme.
Voilà ce qu’on attend des jeunes filles, dans un couvent slovène comme ailleurs : de la délicatesse à l’unisson, pas une note ou une tête qui dépasse. Lucia regarde d’ailleurs sa mère comme une extraterrestre quand celle-ci lui envoie d’un ton de reproche « tu ne peux pas penser par toi même pour une fois ? ». Comment trouver et affirmer sa propre voix dans un tel contexte ? La métaphore vocale au cœur de Little Trouble Girls pourrait sur le papier avoir l’air très convenue, mais la réalisatrice Urška Djukić, qui signe ici son premier long métrage, sait faire preuve de personnalité. L’attention, le soin qu’elle apporte à une écriture subtile et à une mise en image éclatante redonnent à l’ensemble un bel air neuf. La séquence d’introduction, une prière chuchotée (devant une peinture de vulve) suivie d’un gros plan sur des lèvres, nous invite d’ailleurs à tendre l’oreille et prêter attention aux détails.
Entre l’audace excitée de parties d’action ou vérité en pleine nuit, et la présence incongrue et entêtante d’un ouvrier du bâtiment à demi nu, ce récit de premiers désirs adolescents appartient à une famille classique. Il y a pourtant quelque chose de rafraîchissant dans la manière dont Djukić la raconte sans orages, offrant à ses héroïnes la liberté de s’épanouir de façons différentes sans devenir adversaires pour autant, du moins dans la première partie du film. Si le récit devient certes un peu plus conventionnel par la suite, Little Trouble Girls emporte la mise grâce à son énergie visuelle. Pleine d’allant, la caméra redonne leur éclat percutant et quasi-surréaliste à des métaphores sensuelles là encore risquées sur le papier : un nombril qui susurre, une vierge amputée, ou encore des fleurs qui se mettent à chanter dans une courte séquence flamboyante sortie tout droit d’Alice aux pays des merveilles.
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par Gregory Coutaut