Un garçon et une fille se rencontrent sur un banc au milieu d’un parc et peinent à démarrer une conversation. Manifestement hantée par des angoisses du type « dans quel sens faut-il tourner la langue ? », leur amourette se tisse au gré des vallons et du hasard des rencontres qu’ils y font. Mais elle se heurte bien vite, une fois le garçon parti et la nuit tombée, à la présence persistante d’une ex. La jeune fille bascule alors dans un monde autrement magique, sombre et fascinant.
Le Parc
France, 2016
De Damien Manivel
Durée : 1h12
Sortie : 04/01/2017
Note :
LA FORET ENCHANTÉE
Le Parc est un film imprévisible, dans ce que le terme peut avoir de plus excitant. Voilà un compliment qu’on ne peut pas faire à autant de films qu’on le souhaiterait. Combien peuvent se vanter de proposer dès leurs premières minutes un ton réellement unique ? Le Parc fait partie de ces films dont on sort avec l’impression, entre le début improbable et la fin incroyable, d’avoir fait tout un voyage. Pourtant, quoi de plus domestique et prévisible qu’un jardin public ?
L’intégralité du long métrage de Damien Manivel se déroule en effet dans un espace bucolique et familier : pelouses où l’on bronze, allées où l’on se croise entre voisins, bosquets où l’on se cache pour s’embrasser. D’emblée, le film frappe par plusieurs aspects. Tout d’abord une épure radicale des dialogues et des situations : les deux jeunes protagonistes amoureux parlent de tout et de rien, mais ne parlent finalement pas tant que ça. La place laissée au silence est paradoxalement à la fois très réaliste et à contre-courant des artifices habituels du cinéma dit réaliste. On pourrait dire du Parc qu’il semble s’agir du genre de film où « il ne se passe rien ». Et pourtant dès les premières minutes, on sent qu’il se trame beaucoup de choses sous la simplicité apparente.
L’autre grande réussite du Parc, c’est sa dimension picturale. Grâce à un sens remarquable de la composition, et une utilisation judicieuse des lumières naturelles, Damien Manivel crée en toile de fond de ce rendez-vous amoureux une inquiétante étrangeté. Les deux ados se retrouvent souvent isolés dans des paysages à la fois communs et majestueux, presque déserts, qui semblent prêts à les engloutir. Le film pourrait se contenter de continuer à jouer les funambules sur ces deux tableaux, ce serait déjà suffisant. Il y a pourtant un point pivot où, comme une barque qu’on détache, l’ensemble se met à voguer vers l’inconnu.
A mesure que l’après-midi se déroule, le confort familier du parc qui se vide change quelque peu de dimension. Difficile de rendre justice à l’imagination du scénario, qu joue sur les fantasmes liés aux bois, sans trop en dévoiler. La suite, à la fois splendide et casse-gueule dans ses ruptures de ton (faut-il rire, avoir peur, les deux?), a de quoi faire écarquiller les yeux, voire dérouter. La place laissée au fantastique, l’importance donnée à la psyché féminine, un sort à contrecarrer par le jeu…: d’avantage que rohmérien, Le Parc serait plutôt rivettien, c’est a dire magique et audacieux. Là encore, un compliment que peu de films méritent.
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par Gregory Coutaut