Berlinale | Critique : La Cache

Christophe, 9 ans, vit les événements de mai 68, planqué chez ses grands-parents, dans l’appartement familial à Paris, entouré de ses oncles et de son arrière-grand-mère. Tous bivouaquent autour d’une mystérieuse cache, qui révèlera peu à peu ses secrets…

La Cache
Suisse, 2025
De Lionel Baier

Durée : 1h30

Sortie : 19/03/2025

Note :

CACHÉ DERRIÈRE

Il y a dix ans, le Français Christophe Boltanski écrivait le best-seller La Cache, récit familial et autobiographique qui a été couronné par le prix Femina. La Cache version Lionel Baier, présenté en première mondiale en compétition à la Berlinale, en est bel et bien une adaptation, pas de doute là-dessus : le livre de Boltanski est même montré dès le début du film. Pourtant, la version Baier, si elle est très fidèle à l’esprit du texte, en est une très libre transposition. Peut-être parce que les différentes époques retracées dans l’ouvrage auraient nécessité des moyens d’une autre ampleur, mais surtout parce que le contexte choisi par Lionel Baier apparaît en fait à peine dans le livre : il s’agit de mai 68.

L’histoire de la famille Boltanski est telle qu’elle peut raconter une Histoire de la France à toutes les époques du XXe siècle et être transposable à l’infini. A travers ce regard très personnel, Baier propose un pacte entre le public et lui, d’ailleurs sa voix-off l’énonce explicitement dans le long métrage. Cette introduction méta donne le la d’un film qui ne dissimule aucun de ses artifices. On comprend assez vite pourquoi tout le monde, concierge comprise, a l’air de porter des costumes neufs : le film n’a pas pour but de composer une reconstitution réaliste. Lorsque les Boltanski prennent la voiture, le décor artificiel défile comme dans une vieille bobine des années 60. Pour les Boltanski, le monde à l’extérieur de la maison est une fiction.

Ce parti pris audacieux donne un relief gratifiant, là où le piège de l’adaptation littéraire est souvent la fidélité sans point de vue. Ici, le point de vue de Baier croise celui de Boltanski : c’est un dialogue qui est entamé. Le livre comme le film parlent d’héritages, de la judéité et de son traumatisme, de la France et de son Histoire, et tout simplement de l’héritage familial. Que réveille l’image, pour une famille juive, de livres et vêtements jetés au sol lors de la visite des forces de l’ordre ? Pourtant, même si c’est un vœu pieux, « la tristesse est interdite » dans la maison. De fait, Lionel Baier signe un comédie dramatique bien vivante. L’engagement politique est une question tout à fait sérieuse mais aussi gentiment moquée. Cette énergie éloigne le film de toute naphtaline qui serait amoureuse avec complaisance des 60s (dans le film, on croise d’ailleurs déjà des vieux cons masculinistes qui se lamentent sur l’état de la jeunesse).

Enfin, dans ce long métrage collectif où il n’y a pas un protagoniste évident, Lionel Baier dirige un casting remarquable : Dominique Reymond dans le rôle d’une matriarche à la fois cassée et droite comme un i, Liliane Rovère impayable en diva d’Odessa et Michel Blanc qui trouve ici un émouvant dernier rôle.

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par Nicolas Bardot

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