Festival de Locarno | Critique : Kouté vwa

Melrick, 13 ans, passe l’été à Cayenne, en Guyane française, chez sa grand-mère Nicole. Sa présence et son envie d’apprendre à jouer du tambour font resurgir le spectre de Lucas, le fils de Nicole, tambouïen également et mort tragiquement 11 ans plus tôt. Confronté au chagrin qui hante sa famille et au désir de vengeance du meilleur ami de Lucas, Melrick trace son propre chemin vers le pardon.

Kouté vwa
France, 2024
De Maxime Jean-Baptiste

Durée : 1h17

Sortie : –

Note :

LE VRAI DU FAUX

Lors de la cérémonie de remise des prix du Festival de Locarno, où Kouté vwa fut doublement primé, le cinéaste Maxime Jean-Baptiste a évoqué la nécessité de ne pas attendre « que ce soient les colons qui viennent nous dire ce que l’on peut raconter ou non ». Kouté vwa se déroule en France, mais dans un coin bien particulier du territoire : en Guyane. Dans un cinéma national habituellement friand de mettre en valeur ses régions, la Guyane n’est pourtant  quasiment représentée que dans des comédies signés de cinéastes de la Métropole (Terrible jungle, La loi de la jungle). L’absence de récits issus directement de ce département d’outre-mer est si flagrante qu’on pourrait presque qualifier la Guyane de terra incognita du cinéma français. « Ecoutez les voix », nous dit donc en retour le titre de ce film.

Kouté vwa débute par des images d’archives montrant un rassemblement collectif pour honorer la mémoire d’un jeune homme qu’on devine brutalement disparu dans un règlement de comptes. Ces images montrent une douleur partagée mais aussi une force collective galvanisante. Passée cette introduction, le film déroule le récit de Melrick, adolescent qui revient de Métropole et qui souhaite rester dans sa Guyane natale pour de bon. « C’est comment en France ? » lui demandent ses camarades. Melrick n’a rien de particulier à répondre à cette question, son esprit étant tout occupé à la redécouverte de souvenirs intimes et collectifs que l’exil lui avait fait oublier. On devine un drame entre les lignes, mais Melrick n’est pas doué avec les mots. C’est la pratique retrouvée d’un instrument de musique local, auprès de sa grand-mère, qui lui permet réellement de s’exprimer.

Kouté vwa est une fiction, oui mais. C’est une fiction qui possède ses maladresses (les discussions entre un personnage et son psy font un peu figure de prétexte explicatif), mais qui trouve sa force en puisant dans le documentaire. On comprend progressivement que le drame familial qui a pousse Melrick au départ il y a des années est le même que celui qui ouvrait le film. Maxime Jean-Baptiste n’alterne pas entre réel et récit, il mélange les deux jusqu’à les rendre singulièrement indissociables. Kouté vwa reste visuellement à une échelle très modeste, mais fait preuve d’une écriture inventive. C’est une histoire imaginaire mais c’est aussi une histoire vraie. C’est un récit d’apprentissage intime mais c’est aussi le portrait collectif d’une société à l’héritage violent et complexe. 

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par Gregory Coutaut

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