Festival de Cannes | Critique : Jeanne du Barry

Jeanne Vaubernier, fille du peuple avide de s’élever socialement, met à profit ses charmes pour sortir de sa condition.Son amant le Comte du Barry, qui s’enrichit largement grâce aux galanteries lucratives de Jeanne, souhaite la présenter au Roi. Il organise la rencontre via l’entremise de l’influent duc de Richelieu. Celle-ci dépasse ses attentes : entre Louis XV et Jeanne, c’est le coup de foudre…Avec la courtisane, le Roi retrouve le goût de vivre – à tel point qu’il ne peut plus se passer d’elle et décide d’en faire sa favorite officielle. Scandale : personne ne veut d’une fille des rues à la Cour.

Jeanne du Barry
France, 2023
De Maïwenn

Durée : 1h56

Sortie : 16/05/2023

Note :

PORTRAITS CROISÉS

Un film peut-il être à la fois une autobiographie et la biographie de quelqu’un d’autre ? Sans aller jusqu’à utiliser le terme d’autoportrait, la réalisatrice Maïwenn dit s’être identifiée au parcours de Jeanne du Barry, fille de rien « et donc prête à tout » telle qu’on nous la présente dans la scène d’ouverture. Une jeune femme sans gêne mais pas sans charme, que rien de destinait à devenir la favorite de Louis XV et à qui la cour de Versailles a fait payer ses origines sociales modestes et sa sexualité épanouie. Maïwenn interprète donc elle-même celle qui, dans un premier temps, ne s’appelle encore que Jeanne (un peu comme la cinéaste qui n’est jamais appelée par son nom de famille), prêtant à son héroïne son charisme et ses manières juvéniles avec naturel et même une certaine évidence. Maïwenn du Barry, le double portrait semble faire complètement sens.

Mais le film s’arrête là, ou plutôt ne démarre jamais vraiment. Une fois passée la rencontre avec le roi, les événements s’enchaînent avec une prévisibilité aussi palpitante qu’une page Wikipedia. Maïwenn et le reste des interprètes se retrouvent rapidement sous-employés à réciter des dialogues très factuels, rendus encore plus redondants par une voix off si omniprésente qu’elle donne l’impression d’écouter un livre audio plutôt que de regarder un film. La mise en scène de Jeanne du Barry est la plus plate de la filmographie de cinéaste de Maïwenn. Où sont passés les excès, les débordements, le côté rentre-dedans de ses films précédents et qui colleraient justement plus que jamais ici ? Le clin d’œil à la flamboyante Marie Antoinette de Sofia Coppola (à travers une variante de la célèbre réplique « c’est grotesque / non madame, c’est Versailles »), n’est pas à la faveur de ce téléfilm de luxe.

La seule piste un peu fofolle à se mettre éventuellement sous la dent est le personnage d’une des filles de Louis XIV, véritable méchante de dessin animée et interprétée par une India Hair plus clown que jamais. Exception faite de ce détail, le film tient debout comme une vitrine proprette mais s’enferme dans un trop grand respect biographique aux sages reconstitutions. Jeanne du Barry a beau être entièrement axé sur son héroïne (Johnny Depp y est finalement très peu présent, même quand il est à l’écran), il ne réussit pas à porter dessus un regard nouveau. Ce double portrait ne rend vraiment justice à aucune de ses deux modèles.

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par Gregory Coutaut

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