Festival de La Rochelle | Critique : No Táxi do Jack

Joaquim va pouvoir prendre sa retraite après une brève période de chômage. Mais il doit d’abord soumettre quelques demandes d’emploi symboliques pour prouver qu’il a essayé de trouver du travail. Sa tournée l’emmène dans des zones industrielles de la campagne portugaise où les usines restent inactives. C’est ici que Joaquim s’est mis en tête, dans les années 70, de tenter sa chance à New York, où il a travaillé comme chauffeur de taxi a eu un large aperçu du monde…

No Táxi do Jack
Portugal, 2021
De Susana Nobre

Durée : 1h10

Sortie : –

Note :

SE SOUVENIR DES BELLES CHOSES

Avec sa dégaine à la Elvis Presley, Joaquim ressemble très naturellement à un personnage de fiction. Ce sexagénaire est plus grand que nature, à l’image de son histoire personnelle. Il aurait été facile – et probablement un peu paresseux – d’en faire un personnage de comédie, un antihéros rockabilly à la Kaurismaki, mais No Táxi do Jack est plus ambitieux que cela. La Portugaise Susana Nobre (lire notre entretien) recueille les souvenirs de Joaquim dans ce documentaire, mais le caractère flamboyant de son sujet floute spontanément les frontières avec la fiction.

Car lorsque Joaquim raconte sa jeunesse et ce moment où il débarque à New York, au début des années 70, les mains dans les poches, c’est tout un imaginaire de cinéma que No Táxi do Jack convoque. Joaquim évoque ses souvenirs, et c’est le Portugal d’aujourd’hui qui se retrouve filmé comme le New York crapoteux d’hier. Cette histoire lointaine, dans le temps comme dans l’espace, se retrouve toute proche, comme ressuscitée. Il y a quelque chose d’émouvant dans la façon dont Nobre traite de la mémoire comme d’un élément vivant, constitutif de l’identité, et non pas comme d’une vieille relique figée.

Alors oui, le Joaquim d’aujourd’hui est encore celui d’hier. Pourtant, le temps a passé : Joaquim a d’ailleurs quitté autrefois une dictature pour retrouver plus tard un pays libre. Mais quelle est sa place dans ce no man’s land industriel ? No Táxi do Jack décrit la facilité évidente avec laquelle son héros a pu trouver un boulot il y a 50 ans, mais aussi le parcours du combattant que constitue sa veille de retraite dans le monde d’aujourd’hui. Si Jo ressemble à un personnage de fiction, que ses souvenirs prennent la forme d’une fiction, la réalité du présent est tel un plafond de verre. Lorsque Nobre filme une scène de souvenir et que les rails de travelling apparaissent à l’écran, la mémoire passe pour un vieux rêve enfoui. Le regard de Nobre reste toujours bienveillant car le film ne joue jamais sur le décalage entre le héros et son entourage – beaucoup seraient tombés dans ce piège. Jamais mièvre, ce portrait au ton unique se distingue par sa grande douceur.

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par Nicolas Bardot

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